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que… ne pouvaient mieux se ressembler !

Le docteur l’observait curieusement, comme s’il eût cherché à se rappeler ses souvenirs.

Le jeune homme continua :

— Oh ! vous aurez bien de la peine à me remettre. Et puis, j’ai pas mal changé de peau… J’arrive d’Afrique !

— D’Afrique ?… Tu es allé en Afrique ?

— Comme vous. Je vous y cherchais…

— Mais il y a trois ans que j’en suis revenu, après n’y avoir séjourné que six mois.

— Eh bien ! moi j’y ai séjourné quatre fois six mois !

— Deux ans ?

— Oui. Oh ! j’ai chassé…

— La bête fauve ?

— Et la bête douce… pardon, madame !

— Comment ! Tu es marié ? reprit le docteur en riant de la riposte du jeune homme.

— Hélas ! mon oncle.

— Comment ? Hélas… Tu es donc malheureux ?

Énormément.

— Ça ne va pas dans le ménage ? Ça ne va plus du tout… j’ai perdu ma bonne bête… pardon !… ma douce compagne !

— Perdu ?…

— Morte… en trois mois !

— En trois mois ? L’étonnement du docteur semblait grandir.

— De la lèpre, mon oncle ! Oh ! J’ai failli en mourir !

— De la lèpre ? s’écria le docteur.

Et alors, tout à coup, le médecin fit un geste de colère et s’écria d’une voix de tonnerre :

— Ô lèpre !… Ô maladie infâme ! Ô pustule maudite !… Oh ! auras-tu jamais fini de faire des misérables ! Car je te tiens, lèpre immonde !… et je te vaincrai… Je te vaincrai…

Calmez-vous, mon ami, supplia