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— Non… qu’il est châtain !

Tous deux se mirent à rire au moment où, d’une salle voisine, les notes retentissantes d’un piano traversaient l’espace et qu’une voix bien timbrée, douce, commençait le refrain d’une romance.

— Elle chante bien, Pia, dit le docteur ; mais elle n’a pas la richesse de votre voix.

— Ce n’est pas Pia qui chante, mon ami ; c’est Maria !

— Ah ! bien, par exemple…

— Quand je vous le dis !

— Vous vous trompez, Lina : c’est Pia !

— Parions ?

— Parions !

— C’est Pia !

— C’est Maria !

— Holà !… Pia !… clama le docteur et s’élançant vers la porte qu’il poussa d’un coup de pied pour se trouver dans le vestibule nez à nez avec Pia.

— Vous m’avez appelée, docteur ?

Le docteur la regarda, stupide… tandis que le piano vibrait toujours, que la même voix continuait de chanter dans la salle de réception. Lina éclata de rire.

— Gagné ! cria-t-elle en sautant au cou de son mari.

— Perdu ! murmura le docteur, très confus. Mais je me rattrape, Lina ajouta-t-il… ou je me rattrape, une, deux, trois, quatre fois… Quatre baisers successifs retentirent sur les lèvres rouges et humides de Mme Lina Jacobson, tout à l’éblouissement de Pia.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Trois heures.

Le docteur Jacobson et sa femme, Lina, se tenaient debout dans le vestibule, tout près de la porte du cabinet de travail, quand la camériste, une jeune fille vive et jolie, alla ouvrir la grande porte devant le visiteur qui venait de s’annoncer par un rude coup de timbre.

Le docteur avait dit à Lina :

— C’est mon neveu !

Lina avait répondu :