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l’information, et, doutant, je ne veux nullement chasser l’ombre davantage. Je veux vous revoir, mais vous me fuyez ! J’attends donc que vous m’ayez dit : « Mon cher neveu, viens je t’attends ! »… Alors seulement j’irai vous attrister de mon insupportable personne ! Néanmoins, j’aurai accompli un devoir de délicatesse et de famille : J’aurai salué ma tante, madame Lina Jacobson.

« Votre très affectueux neveu »
Benjamin Jacobson,
Château-Frontenac. Québec ».

Le docteur éclata de rire.

— Ah ! bien, voilà ce qu’on peut appeler un revenant ! Ce pauvre Benjamin !… De fait, je l’avais totalement oublié !

— Il vit à New-York ?

— Il y vivait, il y a bien, en effet, une douzaine d’années. Oh ! c’était alors un gamin. Un jour, il disparut, ou du moins je le perdis de vue. Je ne m’en préoccupai pas, sachant qu’il avait un peu de fortune du côté de sa mère. Le voilà qui reparaît ! Ah ! ah ! ah ! Il est bien toujours le même : bavard, hâbleur, c’est un frou-frou que ce neveu ! Tu ne le connais pas ?

— Vous ne m’en avez jamais parlé.

— Puisque je l’avais oublié… N’importe je ne peux lui refuser de venir embrasser sa jolie tante. Ce qu’il va se pâmer, Lina, en vous voyant ! Savez-vous une chose ?

— Dites donc, pour voir !

— Il me jalousera…

— Mais non… Il est peut-être marié également et à plus belle que moi !

— Marié ? Peut-être. À plus belle que vous ? Jamais ! Je doute même qu’il soit marié, car il me le dirait. Je pense qu’il n’y a pas de bois dans ce garçon pour en faire un mari.

— Lui direz-vous de venir ?

— Certainement, je vais lui jeter un mot à la poste au cours de cette journée. S’il est aussi amusant qu’en sa première jeunesse, nous