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C’était un homme arrivé à l’âge mûr, très noir encore de cheveux et de barbe. La barbe était taillée en pointe au menton, soyeuse et soigneusement parfumée. Les moustaches étaient finement effilées. Le visage était frais, rosé, avec un air de bonne santé. Le front se dégageait fortement, haut et large, et l’intelligence y rayonnait. Les yeux noirs brillaient singulièrement de lueurs qu’on ne pouvait saisir ; c’était comme le choc des éclairs au sein de la nue profonde. L’éclat, cependant, en était tendre et doux. Le nez était long, étroit, fortement busqué, et les narines, légèrement écartées, étaient sans cesse frémissantes. Dans son ensemble toute cette physionomie annonçait l’homme d’honneur, de probité, le véritable gentilhomme.

Dans une porte placée derrière le docteur — porte dissimulée de larges draperies d’un rouge sombre — un bruit léger se fit entendre. Le docteur se retourna et tendit l’oreille vers la porte.

Le bruit se répéta… c’est comme si une petite main bien timide avait frappé avec crainte.

Le docteur se leva vivement et marcha vers la porte dont il écarta les tentures. Puis il dit :

— Entrez !

La porte s’ouvrit : une jeune femme ravissante de grâce et de beauté apparut. Elle souriait candidement.

— Ah ! c’est vous, chère Lina ?

Le docteur entoura la taille de la jeune femme, se pencha et sur le front blanc et pur déposa un long baiser.

Est-ce que je vous dérange, mon ami ? demanda la jeune femme d’une voix limpide et caressante.

— Vous ne me dérangez jamais, Lina, vous le savez bien. Venez, nous causerons. Comment êtes-vous, ce matin ? Vous me paraissez un peu pâlie.

— Vraiment ? Je n’ai pas remarqué cette pâleur.

Le docteur avait mis le bras de la jeune femme sous le sien, et dou-