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— I —

LE GRAND DEUIL


Ce soir du 13 septembre 1759, Québec, la capitale de la Nouvelle-France, gémissait et pleurait !

Elle, qu’on avait vue si heureuse, lorsqu’elle acclamait le retour de ses soldats vainqueurs après quelque campagne héroïque… lorsque sa voix vibrante de fierté chantait les hymnes de la victoire… lorsque de son rire sonore et joyeux elle semait autour d’elle la gaieté et l’espérance… lorsque de ses fêtes éclatantes elle répandait sur toute la Nouvelle-France des flots de joie et d’enthousiasme… oui, ce soir-là, la capitale de la Nouvelle-France demeurait plongée, anéantie presque dans un abîme d’amertume et de désespoir !

Ce n’était plus la nymphe épanouie haussant hors des ondes lumineuses sa silhouette gracieuse et frémissante, mêlant la richesse de ses formes à la richesse des frondaisons mouillées d’une rosée de mer, étalant magnifiquement ses grâces admirables sous les lumières vives d’un ciel tout aussi pur qu’un ciel de France ! Ce n’était plus cette reine majestueuse dominant de son trône de granit la puissance et la majesté des fleuves, des bois, des monts qui la saluaient d’un geste large ! Elle n’était plus l’éclatante lumière dont les rayons avaient ébloui le monde, lumière qui avait de ses feux ardents embrasé tout un continent, lumière vers laquelle s’étaient à l’envi tendues les mains d’un jeune