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qu’il avait fait. Puis, lentement, il rentra dans son logis.

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Un drapeau français !…

Il n’était pas huit heures de la matinée que toute la ville savait qu’un drapeau français avait été hissé par une main inconnue quelque part en la basse-ville.

— Horreur !… avait clamé une partie de la ville.

Le major Whittle, ayant appris la chose, pêcha des soldats pour localiser le drapeau et l’abattre.

Ces soldats, une dizaine, se trouvèrent bientôt devant le logis clos et silencieux du capitaine Aramèle. Une foule nombreuse de badauds s’y trouvait déjà réunie.

La stupeur était inouïe !

Comment ! Aramèle était là ! Aramèle était revenu !…

— Non… ce n’était pas possible !

Les soldats pénétrèrent dans le logis et le fouillèrent… il n’y avait dedans personne.

Alors, on mit le fusil à l’épaule, on ajusta bien minutieusement le drapeau français, et l’on décocha une volée de balles. Le drapeau ne tomba pas !

On s’étonna grandement !

Une seconde volée de balles… une troisième… le drapeau flottait toujours aussi fièrement !

L’étonnement centupla !

On fit venir des tireurs remarquables.

Ceux-ci, très glorieux de leur habileté et de leur science, apparurent comme les sauveurs de la nation et de la gloire d’Albion. Ils épaulèrent leurs armes à feu, visèrent, tirèrent…

Le bois de la perche fut haché par les balles, mais le drapeau demeurait quand même !

Un cri de rage folle retentit, c’était celui de la foule :

— Qu’on l’abatte ! qu’on l’abatte !

Durant une heure on entretint un feu nourri contre le drapeau et contre la perche qui le maintenait… il flottait toujours dans le vent devenu plus grand !

Quoi ! ce drapeau était-il un drapeau fantôme ?

Plus de la moitié de la population avait été attirée sur les lieux.

Des imprécations s’élevaient contre le drapeau de la France, des poings se tendaient, des pierres volaient… le drapeau ne cessait pas d’étaler sa blancheur immaculée et ses lys d’or !

— Il faut un canon pour démolir la baraque ! vociféra une voix anglaise.

— Brûlons la baraque ! rugit une autre voix.

— Ce sera plus tôt fait ! encouragea une troisième voix.

Des gamins pénétrèrent dans la maison et mirent le feu.

Muette et apaisée, la foule attendit.

Cinq minutes s’écoulèrent. Nulle fumée n’apparut, nulle flamme ne crépita, et le drapeau de la France claquait narquoisement !

Des curieux se ruèrent dans le logis pour constater que le feu allumé par les gamins avait été éteint par une main inconnue.

Une main inconnue !…

Était-ce une main divine ? Était-ce une main infernale ?…

Une épouvante mystérieuse gagna tout ce monde.

— Un canon !… un canon !…

Des soldats partirent à toute échevelée vers le fort Saint-Louis.

Ils revinrent traînant un canon chargé à mitraille.

La foule poussa un cri de joie sauvage, elle salua d’une formidable acclamation les soldats et le canon.

Et l’arme terrible fut braquée contre les faibles murs de la baraque… les soldats, improvisés artilleurs, allaient tirer…

Un homme parut, de noir habillé, sans arme, sans ornement. Il marchait lentement, les mains au dos, l’air méditatif et grave.

Cet homme traversa la foule des curieux et s’arrêta près des soldats et devant la gueule du canon.

Un long murmure de surprise monta dans l’espace :

— Le général !…

C’était Murray.

Silencieux, il regarda la foule et les soldats, puis se tourna pour regarder plus longuement encore le drapeau de la France.

Après un long moment durant lequel la respiration de la foule était demeurée suspendue, le général Murray abaissa ses regards sévères sur les soldats et prononça :

— Mes amis, vous faites là un jeu stupide ! Ne voyez-vous pas que c’est un drapeau français ? Quel est celui d’entre vous qui se voyant en pays français et tout en-