Page:Féron - La vierge d'ivoire, c1930.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LA VIERGE D’IVOIRE

dont il confia tous les détails à l’homme de loi. Il termina son récit en demandant à l’avocat d’aller immédiatement conférer avec M. Roussel.

Le brave négociant faillit se trouver mal en apprenant cette fâcheuse nouvelle : Philippe Danjou en prison !

Il accompagna immédiatement l’avocat au Palais de Justice où il lui fut permis de voir Philippe.

— Vous ici, mon ami ! s’écria M. Roussel dont les traits étaient livides.

Philippe sourit tristement et répondit :

— Oui, monsieur Roussel, et je vous assure que je ne l’ai pas fait exprès.

— Rapportez-moi les détails de l’accident, et si je peux user de mon influence auprès du magistrat, je m’empresserai de le faire avant qu’on ne vous emmène à la prison.

Philippe obéit.

En entendant le jeune homme avouer qu’Hortense était en possession de la Vierge d’Ivoire, M. Roussel s’écria avec une joie mal contenue :

— Ah ! c’est cette jeune fille qui a la Vierge d’Ivoire !

— Mais vous comprenez aussi, par ce qui est arrivé, qu’il n’est pas aisé de faire rendre la statuette à cette jeune fille, dont l’entêtement demeure un mystère pour moi.

— Oh ! je la lui ferai bien rendre moi, dit M. Roussel, je saurai bien lui faire entendre raison. Mais pour le moment il s’agit de votre personne.

— Ne voyez-vous pas, monsieur, qu’il n’y a dans cette affaire aucun crime, et ne pensez-vous pas qu’il serait possible de faire revenir le magistrat sur sa décision ?

— Je le pense, monsieur Roussel. Venez avec moi, je vais tâcher d’avoir une audience immédiate du magistrat.

Le négociant connaissait ce magistrat. Il expliqua toute l’affaire de la Vierge d’Ivoire, exprimant son désespoir en face de la mystérieuse maladie dont sa fille se mourait, et disant pourquoi Philippe Danjou, qui voulait sauver Lysiane d’une mort prématurée, s’était mis en colère contre cette Hortense qui refusait de rendre la statuette.

— Faites arrêter cette fille, dit le magistrat, cela la décidera peut être à s’exécuter.

— Non, monsieur le juge, répondit énergiquement M. Roussel, à qui il eût répugné de faire jeter une honnête fille au milieu du troupeau des femmes perdues de vices. Non, répéta-t-il, mais je vous demande de libérer Philippe Danjou, ensuite je verrai cette Hortense et je saurai bien lui faire rendre la statuette à ma fille.

Le magistrat, homme intelligent et de vues larges, signa de suite l’élargissement de Philippe.

Le jeune homme pleura de joie.

— Merci, monsieur Roussel, dit-il, jamais je n’oublierai ce bienfait de votre part !

— Mon ami, les moments sont précieux : allons chez votre ancienne amie, Hortense Deschênes !

— Allons ! répéta joyeusement Philippe.

L’instant d’après, la jeune fille recevait ses visiteurs avec un large sourire.

De suite Philippe lui fit ses excuses.

— Mademoiselle, dit alors le négociant, monsieur Danjou vous a dit que ma fille malade demandait sans cesse sa Vierge d’Ivoire qu’elle a perdue un jour du mois d’octobre dernier. Vous n’avez pas voulu la remettre à ce jeune homme en qui vous n’aviez peut-être pas confiance ; mais à un malheureux père vous ne pourrez pas refuser, je pense.

— Cette Vierge d’Ivoire… c’est un talisman, n’est-ce pas ? demanda Hortense, qui ne paraissait pas plus décidée de se rendre à la prière d’un père malheureux qu’aux supplications et aux violences de Philippe, le jour précédent.

— Je n’en sais rien, mademoiselle, répondit M. Roussel. Cette statuette avait été donnée à ma fille par la supérieure de son pensionnat, et elle y tenait beaucoup. Aujourd’hui, nous sommes portés à croire que c’est pour avoir perdu sa petite statue que ma fille est si malade.

— Pourquoi votre fille ne viendrait-elle pas la réclamer elle-même ? deman-