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LA VIERGE D’IVOIRE

La jeune fille avait fermé les yeux et demeurait inerte et livide. Sans le vouloir Philippe Danjou avait serré plus fort qu’il n’était nécessaire.

Tout à coup il tressaillit violemment. La porte de la chambre de la jeune fille venait d’être ouverte avec fracas, puis trois hommes robustes se jetaient sur Philippe, lui faisaient lâcher prise et le maintenaient solidement.

Hortense venait de rouler sur le tapis de sa chambre où elle demeurait inanimée

Alors de toutes parts des cris retentirent.

Des femmes, des hommes, des enfants criaient par les fenêtres, par les portes ouvertes de la maison :

— Au meurtre ! À l’assassin !

Philippe, aux mains des trois gaillards qui le maintenaient, se débattait et hurlait.

Mais les trois hommes ne lâchaient pas.

Des agents de police survinrent peu après et s’emparèrent de Philippe.

Pendant ce temps la maîtresse de pension, assistée de quelques femmes du voisinage, essayait de ranimer Hortense qui n’était qu’évanouie.

Pour plus de sûreté on appela un médecin.

Mais avant que l’homme de science n’arrivât, les policiers emmenaient Philippe à l’Hôtel-de-Ville.

Le jeune homme eut beau protester, rien n’y fit. On l’emmena menottes aux mains.


XI

LE MIRACLE DE LA VIERGE D’IVOIRE


Cette affaire avait causé un émoi formidable dans le quartier. On disait qu’un bandit avait tenté d’assassiner une jeune fille.

Cela n’avait été en effet qu’une tentative, puisque Hortense, comme elle l’avait avouée plus tard, avait été terrassée par la peur plutôt que par le mal.

Quand elle eut repris sa connaissance, elle trouva devant elle les policiers qui, après avoir mis Philippe sous verrous, étaient revenus auprès de la jeune fille pour avoir sa déposition. Elle sourit et leur dit :

— Vous n’allez pas le garder prisonnier, j’imagine ?

— Mais il a voulu vous assassiner !

— Mais non, vous êtes fous ! Je l’ai fait fâcher, et je me suis évanouie de peur. Il ne m’a pas même fait mal. C’est mon grand ami, demandez à madame Larose.

Madame Larose était la maîtresse de pension.

Celle-ci confirma les paroles de la jeune fille, ajoutant que le jeune homme avait été longtemps son pensionnaire et qu’il avait toujours été le meilleur garçon du monde.

— Aussi, conclut-elle, ça m’a bien étonnée de le voir serrer le cou de mamezelle Hortense.

Alors on voulut savoir comment la chose était arrivée, mais la jeune fille refusa de parler.

Les policiers s’en allèrent. Mais cela n’avait pas arrêté les langues, et cela n’avait pas fait remettre Philippe en liberté.

Le lendemain, les deux policiers logèrent contre le jeune homme une accusation d’assaut sur une jeune fille honnête, et l’accusé fut mis en présence d’un magistrat.

Comme les dépositions des agents de police faisaient voir l’affaire sous un jour énormément grave, le magistrat décida d’envoyer Philippe devant une cour criminelle et de mettre le jeune homme en prison en attendant.

En entendant cette décision du juge, Hortense, qui avait vainement demandé la liberté de Philippe, éclata en sanglots et s’enfuit en pleurant.

Et Philippe, étonné, ahuri, ne parvenant pas à se rappeler comment toute cette histoire avait commencé et fini, commençait à se demander avec angoisse comment les choses allaient tourner pour lui. Or, pendant qu’il attendait la voiture cellulaire qui allait le conduire à la prison commune avec d’autres malheureux, un avocat vint lui offrir ses services.

À force de creuser ses souvenirs embrouillés, le jeune homme était parvenu à reconstituer la scène de la veille