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LA TAVERNE DU DIABLE

son épée devant Rowley qui le menaçait de la sienne.

Aikins avait été légèrement blessé par la balle de Dumas, et, n’ayant aucune arme sur lui ni à sa portée, il se retrancha derrière la table.

Au cri poussé par Lymburner des pas subits avaient résonné dans un escalier venant de l’étage supérieur. L’instant d’après, par la porte ouverte par le marchand quatre matelots apparurent : c’étaient les matelots qui avaient déserté le bataillon du capitaine et qu’hébergeaient Aikins en attendant que la ville fût aux mains des Américains.

Les quatre matelots étaient armés de poignards.

Dumas, d’un coup d’œil vit Lambert aux prises avec le major américain. Tombés tous deux sur le plancher, chacun faisait de vigoureux efforts pour se débarrasser de l’étreinte de son adversaire.

En face de lui Dumas voyait Rowley, Lymburner et les quatre matelots. De son épée il réussit à blesser assez grièvement l’un des matelots qui se retira de la lutte. Mais à la fin le capitaine ne pouvait avoir l’avantage, et c’est ce qu’il comprit. Il eut une idée.

Il retraita rapidement vers la cuisine, fit un saut en arrière, repoussa la porte et la verrouilla. Puis il descendit à la cave pour sortir de la taverne et aller chercher du secours.

Lambert, seul contre tant d’ennemis, avait été vite maîtrisé et réduit à l’impuissance.

— Damned Lambert ! cria Lymburner à Lucanius, tuez-le !

— Non, dit le major américain, je n’ai pas l’habitude de tuer un brave, lorsque ce brave n’est plus dangereux. Au surplus, cet homme pourra me servir de rançon, s’il m’arrivait un accident.

— Damned Lucanius ! bien parlé, répliqua Lymburner ; nous le garderons en otage.

— J’ai un bon cachot pour le garder en sûreté, émit Aikins.

— Où ? demanda Lucanius.

— Dans ma cave.

— Allons-y !

— Observez, intervint Rowley, que Dumas est allé chercher du secours et qu’il sera ici avec un régiment de miliciens avant une demi-heure !

Lucanius interrogea Aikins :

— Avez-vous une retraite sûre pour nous ?

— Oui, dans le cachot dont je vous ai parlé, sourit Aikins.

— Pour nous tous ? demanda Lucanius avec doute.

— Yea ! fit Aikins, en amplifiant son sourire.

— En ce cas, faisons vite, reprit le major américain.

Seulement, il fallut, avant de gagner la cave, enfoncer la porte de la cuisine que Dumas avait verrouillée. Ce fut l’affaire des matelots.

Les neuf personnages descendirent à la cave, conduits par Aikins qui avait allumé une lanterne.

Mais lorsque le tavernier arriva au pied de l’escalier, il fit un saut de peur en apercevant une silhouette humaine assise sur une caisse. Il reconnut sa fille de suite.

— By Heavens ! clama John Aikins, c’est Tracey que je vois là !

Rowley se précipita et coupa les liens qui embarrassaient la jeune fille et fit tomber son bâillon.

— Que signifie ! interrogea Lymburner étonné.

— C’est Dumas et Lambert qui m’ont surprise au moment où je rentrais, répondit la jeune fille.

En même temps elle lança à Lambert, prisonnier, un regard terrible.

— Ho ! oh ! fit Lucanius avec admiration, ce sont deux intrépides gaillards que ces deux Canadiens ! Come, my lad ! ajouta-t-il en entraînant Lambert, désarmé et mains liées.

Aikins dirigea son monde à l’extrémité opposée de sa cave. Il s’arrêta, posa sa lanterne sur un tonneau et déplaça une lourde caisse. Sous cette caisse se trouvait le panneau d’une trappe pratiquée dans l’épaisseur du sol. Aikins tira le panneau, reprit sa lanterne et la plongea dans un trou noir.

— Voyez ! dit-il.

Lucanius se pencha et dit :

— Je vois… une cave secrète ?

— Yea ! dit Aikins. Maintenant attendez !

Une échelle était appliquée contre l’ouverture. Aikins descendit. En bas, il éleva sa lanterne pour éclairer le chemin et dit :

— Descendez !

Lucanius fît descendre Lambert, puis il suivit à son tour. L’instant d’après tout le monde était dans la cave secrète que de sa lanterne Aikins éclairait avec un sourire d’orgueil.

C’était assez spacieux et tout muré de pierre. La cave était remplie à moitié de caisses, de tonneaux, de futailles contenant