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Il y avait dans le ton de sa voix une telle angoisse, un si énorme désespoir que le jeune homme tressaillit et s’arrêta.

Mais l’image de l’autre reparut… il frémit.

— Mademoiselle, ma galanterie ne peut aller plus loin ; pour le reste… ça regarde l’autre !

Violette reçut le coup en plein cœur. Un nuage passa devant ses yeux, sa tête tourna l’espace d’une demi-minute.

Mais elle se raidit violemment, la courageuse enfant, elle crut comprendre ce qui se passait dans le cœur de celui dont elle était toujours aimée. Et alors, elle voulut lui ouvrir toute sa pensée, lui crier son amour, le convaincre. Mais elle n’osa pas, intimidée par la glaciale physionomie de Jules Marion.

Tout ce qu’elle put dire fut :

— Jules, l’avenir se chargera de vous détromper sur mon compte. Cependant laissez-moi vous répéter que l’homme de ce soir est votre ennemi… le mien. J’ai voulu le désarmer, et c’est pourquoi vous m’avez surprise avec lui. Prenez garde ! Défiez-vous ! c’est tout ce que je vous demande. Ah ! plus tard… peut-être comprendrez-vous, enfin ! Maintenant, adieu ! puisque vous le voulez !… Non… non… Jules, au revoir !… Ne m’oubliez jamais !

Et elle s’enfuit pour ne pas laisser voir d’autres larmes qui venaient de jaillir de ses yeux.

Jules poussa un profond soupir et s’éloigna en chancelant, l’esprit perdu, l’âme malade.


XIII

UN CHASSEUR CHASSÉ


Le docteur Randall était rentré chez lui sous l’empire de la plus intense colère. Mais c’était un de ces hommes qui savent mettre un masque sur leurs impressions intérieures comme sur leur physionomie.

Avec la rage au cœur avec d’effroyables projets de vengeances que lui suggérait sa haine contre Jules Marion et Violette, il rentra chez lui la démarche aisée, le sourire aux lèvres, la figure presque rayonnante ; ce qui fit penser à sa maîtresse de pension :

— Bon, bon… il a pu rejoindre la petite, et elle a été très gentille ! En même temps ses lèvres passées au rouge-orange se fleurissaient d’un sourire équivoque.

Trois ou quatre patients attendaient le docteur. Et comme si toute la scène de tout à l’heure eût été déjà oubliée, il se mit à sa besogne professionnelle avec une parfaite tranquillité.

Mais au fond de lui-même, tout au tréfonds, il grondait :

Oui, à nous deux, monsieur Marion !…