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lui qui, insensé, s’était fait son propre bourreau !

C’est lui-même qui avait dit, ordonné à Violette d’oublier ! Et elle, Violette, avait à cette heure un nouvel adorateur. Quoi d’étonnant ?…

Qu’importe ! Cela lui faisait mal horriblement !

Et, pour comble de supplice, Jules avait surpris les nouveaux amoureux dans la noirceur d’une rue déserte ! Et pis encore : ces amoureux nouveaux — son oreille ne l’avait pu tromper — avaient parlé de lui, le premier, ils en avaient ri, ils s’en étaient moqué !

Oui, Jules Marion avaient maintenant de ces pensées qui le tenaillaient, des pensées qui eussent tué peut-être celle dont il tenait le bras frémissant sous le sien !

Mais, aussi, comment se défaire de ces pensées terribles ! Car Jules revoyait encore, toujours, l’homme qui surpris, confus d’abord, se redresse ensuite comme l’amoureux en titre, comme le fort, qui se sent le maître et qui commande ! Et l’autre, l’amante, qui, prise en faute, cherche tout de suite un subterfuge, il l’avait à son bras, anxieuse de sortir de l’impasse pour aller rejoindre le nouvel aimé ! Et il la regardait. avec une sorte de douloureux étonnement, il regardait les pleurs de ses yeux, il écoutait les sanglots de sa voix !

Puis le doute peu à peu se faisait certitude dans l’esprit tourmenté de Jules : car il se rappelait sans cesse cette parole de la comédienne audacieuse dite à lui, l’oublié maintenant, le détesté, le méprisé peut-être !

— Emmenez-moi !

Et lui, imbécile, il l’avait prise au mot !

À cette pensée plus terrible Jules s’arrêta net.

Il dégagea vivement son bras et regarda plus attentivement Violette.

À cette minute, tous deux se trouvaient revenus en pleine ville, sous les magiques lumière de la cité.

Jules regardait Violette.

Celle-ci eut à ses lèvres un sourire d’affectueuse tendresse et de profonde reconnaissance.

Or, ce Jules, ce jaloux maintenant, cet aveugle, ce torturé, prit ce sourire pour un sourire de raillerie.

Ses traits se crispèrent, son cœur fit horriblement mal ; et d’une voix mal affermie, d’une voix dont il ne reconnaissait plus l’accent lui-même, il prononça sans savoir :

— Mademoiselle, nous voici, si je ne me trompe, à trois pas de votre demeure… adieu !

Et il partit d’un pas raide.

Sur le coup Violette demeura interdite.

Mais se ressaisissant aussitôt :

— Jules, murmura-t-elle ne me laissez pas ainsi ?