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pour lui toute la famille — sa mère et sa sœur — avec aussi le cruel souvenir de son école abandonnée et fermée, de ses élèves dispersés, avec encore en mémoire, l’outrage de Harold Spalding et aussi, et plus encore peut-être, avec l’ulcère secret, tenace et torturant de la terrible rupture qu’il avait exigée, voulue, entre lui et Violette… oui, depuis et pendant tout ce temps-là, ses amours, à cette heure troublée, lui paraissaient bien lointaines !

Leurs anciennes amours !… avait jeté Violette comme avec regret, elle aussi ! Quoi ! quelques semaines seulement s’étaient passées, et déjà leurs amours étaient devenues anciennes !…

Non ! Violette avait parlé contre sa pensée à elle… contre sa pensée à lui !

Car soudain dans l’esprit de Jules ces amours apparaissaient plus vivaces, plus grandes, plus irrésistibles. Il lui sembla tout à coup que ces chères amours n’avaient jamais cessé de vivre ! Non, de fait, elles n’avaient jamais cessé…

Car Jules, en dépit de ses multiples occupations, de ses démarches nombreuses et quotidiennes, de son surmenage pour la formation d’un bataillon, n’avait pas un instant oublié Violette… il ne pouvait pas l’oublier… il ne pourrait l’oublier jamais !

Elle était demeurée, pauvre fleur meurtrie, tout au fond de son souvenir, au tréfonds de son âme, ensevelie comme une douce et pieuse relique !

Ah ! il avait cru briser ce qui ne se brise jamais !

Pour accomplir son devoir il avait piétiné sur son cœur, il avait cherché à l’étouffer tout à fait !

Mais le cœur avait résisté, il avait continué de vivre du souvenir de l’adorée.

Et cette adorée… ! il la retrouvait tout à coup ce soir, alors qu’il s’était, en secret, désespéré de la revoir !

Hélas ! en la revoyant — chose étrange — Jules éprouvait, mêlé à sa joie et à ses espérances, un doute affreux !

Leurs anciennes amours !…

Et c’est elle, cette Violette, qui disait ça comme si, de fait, elle avait tout oublié déjà… comme si, à présent, elle se nourrissait de nouvelles amours, comme si elle s’en grisait !

Et lui, ce Jules, avec cette folle pensée, se sentait devenir jaloux ! Oui ! jaloux de cet homme inconnu — le nouvel élu — qui l’avait remplacé dans le cœur de cette Violette dont il ne pouvait effacer le doux et persistant souvenir de sa pensée !

Ah ! quelle torture il ressentait à présent ! Et de cette torture — triste ironie ! — il était lui-même l’auteur ! Il souffrait atrocement, et c’est