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— Vous pensez donc que cet homme est mon ami ? demanda la jeune fille avec une gravité qui impressionna Jules Marion.

— Dame ! que faut-il penser !… Vous conviendrez que les circonstances… et, aussi, les paroles de cet homme qui vous parle en maître… qui préviendra votre père… Enfin…

— Enfin, interrompit Violette avec des sanglots dans la voix, enfin, vous doutez de ma parole, même si je vous disais — ah ! vous ne croiriez pas, je le sens, vous penserez que je cherche à m’excuser à vos yeux… oui, si je vous affirmais que cet homme, bien loin d’être mon ami, est notre ennemi commun à tous deux, vous et moi, votre ennemi… mon ennemi ?

— Allons donc ! fit Jules avec un accent d’incrédulité et d’ironie, il me semble qu’on fuit ses ennemis au lieu de les approcher. Quant à moi, est-ce que je connais seulement cet homme pour qu’il soit mon ennemi ? Me connaît-il, lui ?

— S’il vous connait ?… Ah ! Jules, trop… beaucoup trop. Et je vous le répète : il vous hait… il vous hait !

— Ah ça ! que lui ai-je donc fait à cet homme que je ne connais pas, moi ?

— Rien… non, vous ne lui avez rien fait, je le sais bien. Et pourtant il vous hait…. pourquoi ? Voulez-vous le savoir ?

— Si je veux le savoir… ricana Jules toujours très ironique et de plus en plus incrédule.

— Ah ! je vous défends de rire… Écoutez-moi d’abord. Cet homme, Jules m’aime… Non, il ne m’aime pas, mais il le dit. Il le dit parce que je suis riche ; comprenez-vous ? Ce n’est pas la femme qu’il veut, c’est la fortune que cette femme pourra posséder un jour. Mais voilà devant lui un obstacle qui se dresse…

— Un obstacle ?

— Vous ne devinez pas ?… Nos amours !

— Nos amours ! murmura Jules en tressaillant.

— Oui, Jules… Ah ! qu’ai-je dit ! se reprit aussitôt Violette avec un sourire amer. Jules, je voulais dire « nos anciennes amours » !

Ces trois mots jetèrent tout à coup un éblouissement et un regret au cœur du jeune homme.

Leurs anciennes amours !

Jules étouffa un long soupir.

C’est vrai, en y songeant un peu, que ces amours lui paraissaient lointaines. Car depuis qu’il était soldat, avec les premiers soucis du métier nouveau pour lui, avec l’enthousiasme des grandes batailles qu’il entrevoyait, batailles qui se dessinaient si glorieuses sur les horizons de l’avenir, avec l’amère pensée d’une séparation très prochaine d’avec celles qui résumaient