Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Monsieur Spalding, je ne suis pas armé. Accomplissez donc votre lâcheté !

Le millionnaire jura, retira sa main droite qui apparut armée d’un revolver, et ce revolver, il le braqua sur Jules Marion.

Une seconde peut-être, et tout serait fait !

Jules n’éprouva pas le moindre tressaillement, le sacrifice de sa vie était fait déjà.

— Ah ! tu ne trembles pas ? rugit Harold que le calme du jeune homme étonnait.

— J’attends, monsieur ! répliqua tranquillement Jules Marion.

Mais à l’instant même une silhouette humaine se dressa entre les deux hommes, la main livide de Violette saisit l’arme menaçante, l’arracha des doigts crispés de Harold. Une détonation éclata… une balle alla trouer l’un des chiffonniers.

Et comme si cette détonation subite eut brisé ses nerfs, Harold Spalding s’affaissa lourdement sur le tapis de la chambre.

Violette, alors, regarda Jules, toujours calme et fier, et lui dit avec un accent plein de triste désespérance :

— Jules, laissez nous !

C’était une prière et non un ordre.

En même temps la jeune fille jetait le revolver dans un tiroir de chiffonnier.

Un moment, Jules fut sur le point de prendre dans ses bras cette malheureuse et vaillante enfant, lui demander pardon de sa cruauté de l’autre soir, et de lui crier :

— Ah ! Violette, vous voyez bien qu’avec un tel père nous ne pourrons jamais être l’un à l’autre !

Mais la soudaine vision de son devoir futur, de sa revanche, le contint. Et la gorge serrée, incapable de prononcer un simple mot de remerciement, Jules s’inclina machinalement sous l’injonction de la jeune fille pour laquelle son âme saignait tant à cette minute terrible, il sortit.


X

LES VOLONTAIRES


La jeunesse canadienne-française d’Ottawa, avait organisé deux ou trois cercles dont le plus important était, sans contredit, le Cercle Saint-Louis, qui avait pour président honoraire et comme chapelain l’abbé Marcotte.

Le Cercle Saint-Louis était fréquenté par les jeunes gens appartenant aux professions libérales. Mais on y pouvait voir aussi des commis de banque, des garçons de bureaux, des voyageurs de commerce, des instituteurs… Les députés de la province de Québec au Parlement Fédéral s’y donnaient volontiers rendez-vous durant le cours des sessions parlementaires.

Le Cercle comptait environ cinq cents membres.

Quelques jours après les événements que nous