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sespérer. Mais quand j’ai décidé de m’enrôler pour le service d’outremer, c’est après bonne réflexion, c’est après avoir pensé que mon projet est un devoir auquel je ne puis, sans honte, me soustraire.

— Un drôle de devoir ! marmotta Angèle. Aller se battre pour des gens qui ne cessent de nous faire du mal !

— Angèle, interrompit Jules d’une voix grave, observe que c’est aussi pour notre mère-patrie, la France, et surtout pour elle que notre sang bout dans nos veines aujourd’hui !

— Ah ! si c’était pour la France seulement et uniquement, je ne dirais rien encore, je t’encouragerais peut-être !

— Eh bien ! oui, c’est pour la France uniquement : nous nous joignons, — c’est la seule différence, — aux Anglais, aux Russes, à d’autres, pour la défendre. Ensuite, sais-tu une chose ? De tous côtés on critique les Canadiens-français de demeurer indifférents dans la lutte monstrueuse qui se livre en Europe. On nous accuse de déloyauté. Je ne dis pas que ceux-là ont raison. Mais en fin de compte, puisque nous revendiquons ici des droits qu’on nous refuse nous avons aussi des devoirs à remplir. Je dis : faisons notre devoir pour mieux et pour plus fortement réclamer. Or, nier notre sang français, c’est nier notre nationalité, notre langue, c’est nier notre foi religieuse. Et refuser, en cette heure terrible, de prêter une main généreuse à la France, c’est nier que nous sommes ses enfants. Et alors quels droits ou privilèges pouvons-nous demander, et à quel pouvons-nous poser des revendications ? Je te le demande, Angèle.

— Tout ça, c’est des mots !

— Justement, Angèle, nous n’avons encore dit que des mots maintenant c’est l’action qu’il faut mettre au jeu ; prouver à nos ennemis que nous valons mieux qu’ils pensent, faire notre devoir et nous faire respecter ! Vous, ma mère, je vous sais trop loyale, trop amie du devoir pour me blâmer, pour me détourner de l’unique voie qui me reste à suivre.

— Non, mon pauvre enfant ; je ne puis m’opposer à ce que tu appelles ton devoir. Que la volonté du bon Dieu soit faite ! Quoi ! tu as peut-être raison : aller prendre notre rang sur le front de bataille c’est peut-être le seul moyen de vaincre l’antipathie de nos compatriotes anglais, de les forcer au respect qui est dû aux fils de la France !

— Ah, ! ma mère, quelles bonnes paroles, s’écria Jules ravi. Vous avez bien conservé dans vos veines de ce noble sang des mères françaises, de ce sang qui régénère aujourd’hui la grande Patrie.

En effet, cette mère canadienne, comme ces