Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.

apparaissait à la surface, les têtes faisaient entendre des éclats de rire !…

Cette jeune fille c’était Violette !

Puis une vision nouvelle, non moins horrible, non moins monstrueuse, se dessinait à l’esprit terrifié de Jules Marion.

C’était le champ de bataille devenu un champ des morts.

Et là, de la masse des cadavres qui s’entassaient compacts, serrés, face contre face, s’étreignant dans une furieuse embrassade, — là, parmi ces groupes de blessés qui hurlaient leurs souffrances avec leurs malédictions, ou qui se dressaient, hagards, échevelés et fuyaient pour échapper à l’étreinte enragée et mortelle des mourants, — là, parmi ces tas d’agonisants qui rugissaient en s’entr’égorgeant, ou qui, retrouvant des forces, bondissaient loin de cette hideuse tuerie et, riant, pleurant, jurant s’écrasaient sur les cadavres dont les lèvres s’agitaient pour vomir contre ces fâcheux une sourde imprécation ! Oui là, au sein de cette sarabande affolée, infernale, fantasmagorique, un moine noir soudain se dressait. Sur ses lèvres blanches courait un sourire diabolique, tandis que dans ses bras une jeune fille se débattait avec désespoir. Puis, l’un des bras du moine se levait, la main apparaissait armée d’un crucifix éclatant de lueurs métalliques et sinistres, et au bout de ce crucifix glissait une lame de couteau. Alors, le bras du moine s’abaissait rapidement, la lame du couteau s’enfonçait dans la poitrine de la jeune fille, et, en même temps qu’un cri de douleur, jaillissait un flot de sang noir ! Puis un ricanement lugubre répondait au cri de douleur, le moine noir disparaissait sous terre comme avalé par l’enfer, et la jeune fille, rejetée sanglante et pantelante dans l’horrible mêlée des blessés et des mourants, se tordait en d’abominables tortures !  !  !

Et cette jeune fille, c’était Violette !

Et d’autres visions encore surgissaient, se développaient, assiégeaient l’esprit du lieutenant.

Lui, frissonnant de tout son être, flageolant sur son unique jambe comme s’il eût été frappé par le vertige de l’horreur, se cramponnait désespérément au dossier du fauteuil.

Résonnant comme un râle étouffé, le timbre de sa voix vibrait toujours de ce nom :

— Violette ! Violette !

Mais tout à coup, à la grande stupéfaction de Jules, une autre voix retentit, appelant elle aussi :

— Violette ! Violette !

À la même minute, la porte du salon s’ouvrit violemment, un homme se ruait avec un cri d’affolement, puis cet homme s’arrêta soudain comme médusé, les yeux désorbités et rivés sur la personne de Jules Marion.

Et lui, Jules, ayant reconnu Harold Spalding à