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Et puis, ce coup avait été si subit… si inattendu !

Non… Jules Marion ne l’avait pas prévu ce coup de Maître Spalding !

Comment un honnête homme peut-il présager de pareille traîtrise ?

Et Jules Marion, étourdi tout d’abord, s’était laissé aller à un sombre découragement.

— Qu’allait-il devenir ?

Ce fut sa première pensée… une pensée qui lui parut pleine d’orages.

Mais après avoir bien réfléchi, voilà qu’un sourire avait effleuré ses lèvres, un éclair de triomphe avait sillonné sa prunelle sombre.

Il avait trouvé… plutôt, il avait entrevu un horizon nouveau.

Oh ! il ne l’avait pas de suite avoué à son protecteur, il n’avait pas osé parler de ses projets nouveaux ; car ces projets n’étaient encore que vaguement défini, à peine esquissés.

Ensuite, il voulait réfléchir encore, davantage, murir l’idée, peser les causes, mesurer les effets. Car il se connaissait et savait que sa décision, une fois prise, serait irrévocable.

Mais cette décision, que pouvait-il attendre pour la mettre en existence ? Car l’indécision aggrave souvent le malheur, et sur le bord de l’abîme la moindre hésitation peut être la chute fatale ?

Oh ! Jules n’était pas indécis du tout, il n’hésitait pas le moins du monde ! Seulement, il avait une mère — oui, une mère aveugle dont il était l’unique gagne-pain, — et une sœur, infirme elle aussi, une boiteuse qui veillait sur la pauvre aveugle avec une piété filiale et une abnégation presque sublimes

Oui, Jules avant de se lancer hardiment dans la voie nouvelle que traçait son esprit, avant de divulguer les secrets de son imagination, voulait causer avec sa mère, savoir ce qu’elle dirait de ses projets.

Il faudrait d’abord lui apprendre — oh ! avec bien des ménagements — la mauvaise nouvelle… l’outrage fait à son fils qu’elle adorait.

Et lui, comme tout bon fils, ne pouvait prendre une décision importante dans sa vie sans savoir le sentiment de sa mère.

Car sa mère, il l’aimait bien fort, ce Jules. Elle avait été toujours si bonne, si tendre… elle l’avait tant aimé, choyé, dorloté ! Ah ! cette bonne mère… Il n’aurait voulu rien faire, rien entreprendre qui aurait pu lui causer une douleur, un chagrin ; une moindre peine.

Et Angèle, sa sœur, si dévoué, si affectueuse… un peu grognarde, un peu revêche, à l’humeur parfois difficile… Que voulez-vous ? Une vieille fille… et infirme avec cela ! Mais elle avait tant de cœur, cette Angèle, c’eût été