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— C’est malheureux que nous n’ayons pas une batterie électrique pour faire partir cette mine le moment venu.

— Depuis huit jours que nous en demandons répliqua le sergent… on dirait qu’ils sont sourds à l’arrière !

— Peut-être n’en ont-ils pas !…

— Erreur lieutenant. Le caporal Bédard en a vu hier encore dans les magasins.

— C’est bon à savoir, répondit Raoul, — aujourd’hui même j’en aurai une.

— Tant mieux. Car autrement il faudrait sacrifier l’un de nous pour mettre le feu à la mine.

Ils furent interrompus par l’éclatement formidable d’un obus qui ébranla la tranchée.

Le bombardement recommençait… les obus se mettaient à pleuvoir de nouveau — mais cette fois avec une précision terrible.

Dès lors ce fut effroyable…

En dépit du travail acharné de nos braves, la tranchée croulait de toutes parts.

Le plus horrible c’était le carnage que faisaient les marmites parmi le bataillon. En moins d’un quart d’heure une trentaine de nos héroïques kakis gisaient morts ou horriblement blessés sous les débris de terre.

Et les obus arrivaient toujours en déluge…

Il était devenu impossible de poursuivre les réparations… on cherchait un abri contre les projectiles meurtriers.

Quelques-uns de nos soldats entraînaient les blessés vers l’arrière.

Les officiers encourageaient les hommes et les préparaient à l’attaque que l’infanterie allemande allait à coup sûr tenter.

C’était un véritable enfer… une avalanche de feu d’acier et de pierres s’abattant sans interruption sur la tranchée qui de minutes en minutes devenait intenable.

Et déjà Raoul songeait à organiser la retraite vers la deuxième ligne quand à la stupéfaction de tous un kaki tout couvert de sang tomba dans la tranchée avec un cri :

— Les Allemands !…

Une clameur de surprise et de joie s’éleva pour saluer l’inattendu retour de Jules Marion.

Raoul le saisit dans ses bras et le serra sur sa poitrine.

L’échange de paroles était impossible dans le vacarme, infernal…

Et puis Jules avait pu se faire entendre — il avait dit :

— Les Allemands !

Et de suite, on s’était posté aux meurtrières.

Et lorsque comme sur un coup de baguette magique le bombardement cessa, ce fut la masse grisâtre et serrée qui s’avançait comme une vague géante.

D’un coup d’œil Raoul comprit que la résis-