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Ah ! de Rome, de la Ville Éternelle comme il gardait un ineffable et pieux souvenir !

Et puis, il avait visité Naples, Milan, Florence et d’autres, et il était revenu en Canada enthousiasmé.

Au retour d’Italie, il avait traversé Nice, Marseille, Lyon, Versailles et Paris ; mais toutes ces belles villes de France n’avaient dans son esprit rien de comparable aux villes de la Péninsule Italienne.

En dépit de tout l’attrait qu’avait pour lui ce voyage, Jules avait trouvé des objections. La première était l’énorme dépense que ce projet entraînerait. Jules il est vrai, était un économe par tempérament, et tout en ménageant il présumait que ce voyage aplatirait joliment la bourse du bon prêtre ; car l’abbé Marcotte n’était pas un millionnaire.

Mais il est vrai aussi que, tout au tréfond de lui-même, Jules se promettait bien de ne pas dépenser un sou inutilement… pas un sou qui ne lui portât profit, qui ne lui acquit une connaissance utile.

Il voyagerait donc, puisque le brave prêtre semblait tenir tant, oui, Jules voyagerait, mais très modestement. Oh ! il n’était pas fier, ce Jules ! Il se proposait même de marchander tout ce qui se pourrait marchander, sans toutefois faire le mesquin, bien entendu !

Oui, Jules Marion partirait en voyage parce que l’abbé Marcotte détruisait toutes les objections… et c’est ainsi qu’il fut absent cinq mois.

Le jeune homme revint au pays avec une idée unique pour carrière : l’enseignement !

Il se ferait d’abord instituteur d’écoles primaires… il commencerait par le plus bas échelon. Et puis il travaillerait, il étudierait pour y arriver — ah ! quand cela prendrait vingt ans ! — à l’enseignement supérieur !

Au retour de Jules, il s’était trouvé qu’une institutrice, pour des raisons de santé, avait abandonné la direction d’une école primaire, et par l’influence de l’abbé le jeune homme avait obtenu la position.

Au moment où débute cette histoire, c’est-à-dire après cinq années de travail et d’étude, Jules Marion, avec ses économies, se disposait à aller bientôt suivre des cours spéciaux à Paris. Alors il se lancerait dans le haut enseignement…

Mais voilà que la lettre de Harold Spalding venait faire crouler l’édifice si cher et si péniblement élevé !

Chassé !… Ah ! quelle pensée affreuse au cœur d’un homme qui n’a fait toujours que son devoir !