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Celui-ci tourna aussitôt sa lanterne sur le papier, et en même temps sa physionomie se trouva légèrement éclairée. Monsieur Gaston crut reconnaitre un sous-officier anglais.

Un instant plus tard ce sous-officier remettait le parchemin à l’officier français, avec le laconisme usuel, « All right, » faisait le salut militaire, refermait la portière, et la limousine reprenait sa course.

Au bout de vingt minutes elle s’arrêtait de nouveau. Cette fois, l’officier français entr’ouvrit lui-même la portière, et par la portière Monsieur Gaston, toujours curieux, — curiosité parfaitement justifiable, croyons-nous, donc Monsieur Gaston entrevit une silhouette d’homme, puis il saisit un échange de paroles toujours insaisissables en dépit de ses efforts d’ouïe, puis à sa grande surprise, il vit la silhouette d’homme monter à côté du chauffeur. Et la machine repartit encore vers l’inconnu !…

Seulement, cette fois, au cahotement de la voiture, comme roulant sur un pavé inégal et défoncé par places — à ses courbes brusques et son ballottement, Monsieur Gaston crut comprendre qu’on avait maintenant laissé la grande route et qu’on allait tournant une ruelle pour tomber dans une autre et vice versa. On avait donc atteint un village. C’est ce que pensa Monsieur Gaston.

Cette course en zigzag dura dix minutes encore. Puis la machine stoppa.

Alors, le personnage monté à côté du chauffeur descendit, ouvrit la portière, dit un mot ou deux à l’oreille de l’officier français qui, touchant Monsieur Gaston à l’épaule, lui dit :

— Descendez !

— L’espion obéit, et à l’instant où il mettait pied à terre, deux mains vigoureuses le saisirent par les bras et le maintinrent solidement, tandis que la limousine virait de bord et s’éloignait rapidement dans la nuit emportant les deux officiers français.

L’air vif de la nuit raviva les sangs engourdis de Monsieur Gaston, il respira bruyamment fit battre ses paupières et ses regards tombèrent sur un sol d’une blancheur diffuse. Il neigeait, et maintenant les flocons de neige frôlaient les joues pâles de Monsieur Gaston comme les ailes douces et farineuses des phalènes. Il voulut alors voir où il se trouvait. Il n’en eut pas le temps, ou plutôt il ne put qu’entrevoir une rue sombre garnie de toits pointus qui semblaient, dans l’obscurité blanchie par la neige nouvelle, se hausser vers le ciel comme des spectres couverts de linceuls.

Les mains qui l’avaient saisi l’entraînèrent vers une porte qui s’ouvrit comme d’elle-même,