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En dépit de sa résolution de tout avouer à Violette, l’abbé hésita un moment. Sa délicatesse se révoltait, et, par l’aveu d’une vérité, il pouvait être cause qu’une jeune fille répudiât son père, qu’elle le méprisât, qu’elle le maudit même. C’était là une grosse responsabilité. Pourtant, il sentait que c’était nécessaire… il croyait qu’il était nécessaire que Violette pût lire ouvertement dans le jeu de Randall dont il savait les projets ambitieux, et pour lire dans le jeu du docteur il fallait qu’elle lût aussi dans celui de Harold.

Son hésitation ne fut pas longue.

— Mademoiselle, continua-t-il, il s’agit de la lettre adressée au général, — de cette lettre que j’ai lue et qui accuse Jules Marion de faire partie d’une bande d’espion dont le chef a été arrêté à Paris.

— Eh bien !… fit Violette haletante.

— Eh bien, je sais quel est l’auteur de cette accusation…

— Ah ! s’écria tout à coup la jeune fille avec indignation, je m’en doutais un peu… C’est encore lui, cet infâme Randall, n’est-ce pas ?…

— Oui, lui… mais il y en a un autre encore ! C’est-à-dire celui, qui de sa propre main a écrit l’accusation.

Violette pâlit… elle avait deviné. Et ce fut d’une voix sourde saccadée, qu’elle répliqua :

— Vous voulez parler de mon père, Monsieur l’abbé ?… Oh !… vous pouvez tout me dire, car je vous l’ai déclaré, je suis prête à tout. Du reste, je m’étais habituée à songer qu’un malheur quelconque me frapperait tôt ou tard, — qu’une douleur nouvelle viendrait s’ajouter à toutes celles dont je souffre. La vérité que vous m’apprenez ne me surprend donc qu’à demi. Oui, je vous comprends maintenant : l’autre homme qui s’acharne à Jules… c’est mon père !…

L’abbé pencha la tête.

Un sourire d’amertume crispa les lèvres de la jeune fille. Elle reprit :

— Monsieur l’abbé je vous crois. Il se peut que mon père, poussé par le perfide Randall, se soit laissé aller à une action blâmable. Mais je suis là… j’irai à Paris… je verrai mon père… je sais qu’il m’aime… je le ramènerai dans la bonne voie… il fera disparaitre l’odieuse accusation qui pèse sur Jules.

Et la jeune fille s’animant à mesure qu’elle parlait, ajouta :

— Il le fera parce que je lui démontrerai que Jules mérite son estime… Parce que je lui dirai que Jules se bat vaillamment pour la défense de notre Empire, — qu’il lutte pour les