X
LES EXPLICATIONS DE L’ABBÉ
Jules et Violette ne revenaient pas de l’étonnement dans lequel les avaient jetés les paroles énigmatiques de l’abbé Marcotte au général ; et lui, l’abbé, considérait maintenant les deux amants de ses yeux gris où pétillait une certaine joie maligne.
Enfin, Jules parvint à secouer sa torpeur. Il tendit la main à l’abbé et, d’une voix qui tremblait de l’émotion violente qui ne l’avait pas quitté durant toute la scène précédente, il dit :
— Monsieur l’abbé, je vous remercie d’abord de ne m’avoir pas cru coupable du crime déshonorant dont on vient de m’accuser, — ensuite d’avoir pris si vaillamment ma défense.
— Mon fils, un homme qui travaille à la revanche de sa race, ne peut manquer à l’honneur… Je n’eusse pas ajouté foi à cette accusation contre mille preuves accumulées — contre les preuves les plus évidentes.
— Merci encore !
— Mais, heureusement, il n’y a pas de preuves encore… On t’accuse, c’est vrai, mais on ne prouve rien… et l’on ne prouvera rien. D’ailleurs, je suis là…
— Que voulez-vous dire ? demanda Jules, surpris encore de ces paroles.
Violette écoutait, émue et silencieuse.
— Je veux dire, répondit l’abbé, que j’ai à vous donner, à mademoiselle Violette et à toi-même, des explications d’une très grave importance. Cependant, ajouta-t-il en fixant Violette très émue, je ne puis le faire à vous en même temps. Et si mademoiselle veut bien nous laisser seuls un moment… je lui parlerai ensuite.
Violette inclina la tête et s’éloigna, après avoir jeté à Jules un regard d’encouragement.
L’abbé Marcotte, alors, se pencha vers Jules et lui dit d’une voix très basse :
— Jules, sais-tu d’où vient l’accusation ?
— Cette accusation comme la lettre qui semble l’appuyer sont pour moi encore une énigme.
— Eh bien, l’énigme n’est plus indéfrichable — l’énigme s’appelle… Harold Spalding !
Jules sursauta sur son lit, pâlit affreusement et demeura comme frappé d’épouvante. Puis ses lèvres s’agitèrent avec ce nom :
— Harold Spalding !…
— Tu te rappelles, poursuivit l’abbé, la lettre de congé que t’avait adressée Harold à Ottawa, et tu te souviens que je gardai cette lettre. Tu me demandas alors ce que j’en voulais faire. Je répondis que je n’en savais rien. Était-ce instinct ? Était-ce pressentiment ou hasard ? Peut-être était-ce Dieu qui me guidait ?… Eh bien, cette lettre aujourd’hui te sauve d’un danger terrible…