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— De la façon la plus simple.

— Encore ?…

— En vous dénonçant !…

— Quelle dénonciation pourrez-vous faire, je vous prie ?

— Vous voulez le savoir ?

— Oui… à moins d’être indiscret, ricana plus fort le docteur.

— Écoutez donc alors. Tout à l’heure, quand le chirurgien-major viendra, je lui dirai ceci : monsieur le major, vous voyez ce bon moine, n’est-ce pas ? Eh bien, monsieur le major, le moine est faux… le moine est un voleur… le moine est un bandit… le moine est un assassin… le moine est un espion… faites fusiller le moine, monsieur le major ! Et je connais assez le chirurgien-major, ajouta Violette, pour vous certifier que ce bon moine sera fusillé sans plus.

Violette avait dit cela avec une telle conviction que, cette fois, le docteur fut secoué d’un frisson de peur, et sa physionomie, jusque-là demeurée moqueuse, devint tout à coup inquiète et perplexe.

Violette surprit ce changement, et un sourire de triomphe écarta ses lèvres.

Mais le docteur voulant lui donner le change, se ressaisit et dit d’une voix assurée et glaciale :

— Je devine, mademoiselle Violette, votre joie intérieure, et je vous dis que vous vous réjouissez trop à l’avance.

— Pourquoi donc ?

— Parce que vous aurez beau réciter tout votre petit chapitre, on ne vous croira pas… Et…

Mais il fut soudainement interrompu par une voix sévère qui disait :

— Peut-être me croira-t-on, moi, monsieur le docteur Randall !

Violette et le docteur se retournèrent brusquement. Violette, pour laisser retentir une exclamation joyeuse ; le docteur, pour pousser un rugissement de bête blessée.

Devant eux se tenait, grave et solennel, l’abbé Marcotte.

Mais le docteur, comme tous les audacieux, ne s’avouait jamais vaincu ; et aussi, prenant une attitude arrogante, demanda-t-il :

— Monsieur l’abbé, quelle preuve apporterez-vous à ma condamnation ?

À cet instant, deux brancardiers précédés par Marcil entraient portant sur une civière le corps inanimé et sanglant de Jules Marion.

— Celle-ci, docteur Randall !… répondit l’abbé Marcotte avec un accent tragique.

Mais ces paroles furent couvertes par un cri déchirant.

Violette venait d’apercevoir la civière por-