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— Des ordres, pristi !

— Et quels ordres ?

— Tout au moins celui de nous retirer.

— C’est juste, admit Jules en souriant ; j’oublie toujours qu’un soldat ne doit bouger que sur l’ordre de son supérieur.

— En ce cas, répliqua Constant, ne bougez pas et attendez les ordres du chirurgien-major.

— Compris ! fit Jules.

— Attention ! souffla tout à coup Marcil en prenant la position réglementaire, pendant que ses yeux se fixaient sur une garde-malade qui venait d’entrer.

Sans paraître remarquer la présence des trois soldats, l’infirmière se dirigea vers une table sur laquelle — parmi un tas de choses qui s’y accumulaient en désordre, elle choisit des bandes de toile et quelques médicaments. Puis, d’un pas alerte, elle retourna vers la salle des blessés.

Elle passa devant Jules, tête basse, sans lever les yeux.

Lui, dans un coup d’œil rapide, remarqua ses traits pâles et fatigués, — il vit sous la cornette de toile blanche des boucles de cheveux dorés, — puis il tressaillit, porta ses deux mains à son front comme s’il eut été pris d’un étourdissement, ferma les yeux et chancela en murmurant :

— Violette !… Mon Dieu… ce n’est pas possible !…

Alors, pris d’un fol espoir, il se raidit et promena avidement ses regards autour de lui. Mais l’infirmière avait disparu, et Jules demeura hypnotisé comme sous l’empire d’un rêve prodigieux.

Constant et Marcil avaient surpris l’émotion agitée de leur camarade ; mais seul le lieutenant avait compris. Et, se penchant à l’oreille de Jules, il demanda :

— C’est elle, n’est-ce pas ?

— Non… j’ai dû rêver !… répondit Jules en se frottant les yeux.

— Tu crois à une ressemblance, peut-être.

— C’est vrai !

— Pourquoi ne pas t’en assurer ?

— Comment ?

— En posant une discrète question au chirurgien.

— C’est juste !… Mais non, c’est fou !… se récria-t-il tout aussitôt… c’est impossible que ce soit Violette !…

— Qui sait ?… Je l’ai regardée aussi et, comme toi, je l’ai reconnue.

— Ah ! Raoul, ne me mets pas au cœur une espérance pareille !… c’est une ressemblance te dis-je !

— Singulière… avoue-le !