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pendant que Raoul Constant répétait :

— Oui… vraiment mystérieux, ce moine !…

Mais quand d’autres kakis, attirés aussi par Madame Curieuse, voulurent voir à leur tour, le Moine n’était plus visible : il s’était éclipsé derrière les buissons touffus de la colline.


IV

L’ÉCHAFFOURÉE


À mesure que grandissait le jour un léger brouillard s’étendait peu à peu sur le sol, et, bientôt, toute la campagne environnante disparaissait comme sous un nuage de vapeur. Avec le brouillard le froid sembla augmenter.

Après le violent bombardement de la nuit précédente, le calme subit qui se produisait et le brouillard qui enveloppait la terre, l’heure présente devenait inquiétante.

Il était environ six heures du matin. Les soldats guettaient d’un œil ardent ceux qui apporteraient le café. Mais voilà que le capitaine donnait des ordres à Raoul Constant et lui, la minute suivante, demandait :

— Deux braves pour aller en reconnaissance !…

Les plus rapprochés du lieutenant, une dizaine environ, se présentèrent : mais les deux premiers furent Jules Marion et Marcil.

Et sur un geste de Raoul qui disait en même temps :

— Pas d’imprudence surtout… et gardez-vous bien…

Jules et Marcil grimpaient sur le parapet, le fusil en bandoulière, et s’enfonçaient dans le brouillard.

Ensuite, Raoul avait jeté :

— Chacun à son poste et l’œil au guet !

— Et le café ?… grogna le sergent Ouellet, est-ce qu’on l’apporte ?

— Oui… dans dix minutes prenez patience.

Et Raoul enfila le boyau de communication pour se rendre au mess des officiers.

Mais il était écrit que nos braves canadiens ne boiraient pas leur café ce matin-là. Après une nuit terrible comme celle qui venait de finir, cette perspective eût été cruelle pour nos amis qui grelottaient sous le froid et se morfondaient à attendre.

Bédard, cependant, avait fait circuler les paroles de Raoul :

— Plus que dix minutes à s’impatienter !…

Cela avait amené un soulagement… une détente… une lueur d’espoir sur les physionomies pâles, anxieuses et tourmentées.

D’aucuns avaient consulté leurs montres, et ils comptaient follement les secondes et les minutes.

— Cinq minutes encore !… fit un camarade placé près du boyau de communication ver le-