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noble ardeur, lorsque nous les harcelons sans cesse, quand nous les traitons comme des commis, quand nous voulons leur enlever ce qu’ils ont de plus cher : leur foi, leur langue ? Peuvent-ils se battre sous des drapeaux qui se déploient en drapeaux ennemis ? Père, tu sais bien que tu ne leur rends pas la justice qui leur est due. Oui, donne-leur cette justice qu’ils réclament, et tu les verras réclamer des fusils, et tu reconnaîtras que nos compatriotes de race française sont toujours les vrais descendants du vaillant et noble peuple de là-bas. Traitons-les en amis, en frères, et tu verras !

— Observe, Violette, qu’ils sont en pays anglais et qu’ils sont censés se conformer aux lois et usages du peuple qui les domine !

— Tu n’observes pas, père… Oh ! ne te fâche pas… Et avec ces paroles elle déposait deux gros baisers sur la tête chauve de son père… Non, tu ne sembles pas observer que ces canadiens se sont soumis conditionnellement : c’est-à-dire que leurs mœurs seraient respectées, ce à quoi nous nous sommes engagés. Or, qu’est-il de plus respectable que la langue et la foi d’une nation ? Ensuite, observes-tu que ces colons français sont par priorité, plus chez eux dans ce pays qu’ils ont fondé que nous ne sommes chez nous ? Observes-tu, père, que ces Français sont toujours et seront sans cesse en terre française ? Quoi que nous faisons, ce Canada gardera toujours l’empreinte de son passé français, parce qu’il est justement encore des Français pour conserver fatalement et courageusement cette empreinte !

— Je te dis, moi, que nous effacerons l’empreinte et le passé en effaçant la race !

— C’est une race qui demeure toujours et quand même ! Un siècle et demi d’efforts n’a pas même entamé la racine ! La race croit toujours, plus vigoureuse, plus forte, plus invulnérable. Il est insensé de s’y attaquer davantage ! Vous perdez votre temps à faire une lutte inutilement cruelle, jamais vous ne réussirez à éteindre la vie française au Canada, pas plus que vous n’éteindrez la religion catholique !

— Jamais ! Attends et tu verras. Mais c’est assez de ce bavardage, Violette, ajouta brusquement Harold Spalding en repoussant sa fille. Laisse-moi, car je sens que je finirai par me fâcher tout à fait !

Violette, pourtant, ne s’éloigna pas. Elle esquissa un sourire mélancolique et murmura à ses lèvres pâles :

— Père, tu ne m’aimes plus !

— Violette, ne m’outrage pas d’un tel reproche ! Ne t’ai-je pas maintes fois fournis la preuve de mon affection paternelle ? Ne te donné-je pas chaque jour cette preuve de mon amour pour toi ? Parle !