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Et lui, à présent, souriait, il était apaisé, content, heureux !

Ah ! l’adorable enfant !

Dans ces moments-là, Harold eût pardonné à sa Violette les plus grandes fautes, si cette enfant eut été capable de commettre une faute !

Et puis, elle, cette câline, cette charmeuse cette cajoleuse, comme elle savait le prendre ce bourru, cet emporté, ce brutal !

Quand elle le vit bien tranquille, serein, gai presque, elle demanda entre deux baisers :

— Mais comment se fait-il que tu le détestes tant que ça, ce pauvre garçon ?

— Ah ! oui, ce pauvre garçon ! ricana Harold. Le détester, moi ?… Mais pas du tout. Je n’éprouve jamais que du mépris pour des gens de cette sorte.

— Père, ne cherche pas à me donner le change ; moi, je sais que tu le détestes très fort que tu le hais terriblement, et que tu lui en veux énormément !

— Qui te fais supposer ?

— Et puis, veux-tu que je te dise pourquoi tu l’exècres tant ?

— Dis !

— Parce que c’est le protégé, comme l’enfant adoptif de l’abbé Marcotte.

— Ah ! bah, que vient faire l’abbé Marcotte dans cette carriole ?

— Tu hais Jules Marion, poursuivit Violette toujours souriante, toujours câline, parce que tu hais l’abbé Marcotte. Et tu détestes tu abhorres l’abbé depuis le jour où il a combattu ta politique, où il s’est dressé avec succès contre certains candidats que tu appuyais.

— Folle ! ricana le millionnaire.

— Soit. Mais tu ne peux nier, n’est-ce pas ?

— Eh bien ! c’est vrai. Seulement, tu ignores que cet abbé Marcotte est l’ennemi le plus acharné des Anglais. C’est cet homme qui a inoculé des sentiments de haine au cœur de ce jeune homme, son enfant adoptif comme tu dis.

— Supposons que l’abbé Marcotte est notre ennemi le plus mortel — supposition que je ne peux admettre comme vérité — pourquoi je me le demande, faire retomber sur un pauvre instituteur, l’unique soutien d’une pauvre vieille mère aveugle et d’une pauvre sœur un peu infirme ? Oui, pourquoi le poursuivre d’une rancune que tu éprouves contre un autre ? Est-ce d’un homme sensé ?

Harold échappa un geste d’impatience.

— Décidément, ma petite Violette, dit-il sur un ton sarcastique, tu te mêles là d’affaires qui ne te regardent pas, je pense !

Mais elle, l’embrassant plus fort :

— Père, il y a encore autre chose que j’ai observé…