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la basilique, fit son apparition. Ce bataillon suscitait d’autant plus de curiosité, qu’il était l’unique unité française parmi ces troupes d’embarquement.

Ah !… à les regarder davantage, à les voir passer droits et fiers, les regards brillants, le front serein, on les eût pris pour de vieux guerriers.

En avant, avec le colonel marchait l’abbé Marcotte tête nue, laissant flotter au vent sa longue crinière blanche, sa chevelure léonine.

On aurait dit un de ces glorieux et légendaires ermites guidant vers la Terre Sainte les immortels Croisés.

Puis, au premier rang, Jules Marion, la figure sereine, les lèvres souriantes, tenant ses regards attachés sur son noble et patriotique protecteur.

Et, un peu en arrière, marchant hors des rangs, Raoul Constant, lieutenant à la première compagnie.

Tous, ils passèrent ainsi ces beaux soldats de notre Canada français, et tous les yeux les suivirent avec admiration jusqu’aux embarcadères.

Là, c’étaient les adieux !

Quelles chaleureuses poignées de mains !

Quels bons vœux !

Quels embrassements entre mères et fils, entre fiancés, entre frères et sœurs !

Jules Marion, seul et pensif, demeurait debout sur le pont du petit bateau et regardait, avec des yeux humides, ces scènes touchantes.

Il se souvenait des tristes adieux qu’il avait dû faire, lui aussi, à sa pauvre mère, à sa sœur, Angèle.

Oui, ces adieux — ah ! comme il y penserait toujours ! — avaient été une longue et attendrissante étreinte, où les larmes de l’aveugle et celles de la sœur s’étaient mêlées pour rejaillir sur le visage attristé du jeune soldat.

Et, maintenant, les scènes qui se déroulaient sous les regards de Jules lui rappelaient, avec une cruelle netteté, les dernières minutes passées au milieu des siens ; terriblement ému, il contenait avec peine ses larmes.

Oh ! avec quel douloureux regret il partait ! Ses adieux à sa mère et à sa sœur lui faisaient songer à d’autres adieux, plus doux peut-être qu’il aurait tant désiré faire ; oui, il était une autre personne, bien chère aussi, dont il aurait voulu entendre les bons souhaits ! Une personne qu’il eût ardemment, longuement pressée dans ses bras… Violette Spalding !

Violette qu’il avait laissée malheureuse sans tenter même de lui offrir quelques paroles consolantes, quelques mots d’espoir…

Violette, qu’il voyait sanglotante, mourant d’un désespoir d’amour…