Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Certes, certes. Mais un homme, au cas d’accidents imprévus, finit toujours par s’en tirer tant bien mal. Oh ! pour moi personnellement je ne suis pas inquiet, et je t’assure que tu n’auras nullement besoin de t’inquiéter. Voilà donc ce que j’avais à te dire conclut Harold. Tu peux maintenant rejoindre ta cousine : du reste, nous reparlerons de tout cela.

Déjà Violette s’éloignait, lorsque Harold l’arrêta en prononçant d’une voix très tendre :

— Violette, tu m’en veux donc toujours ?

— Ah ! père, peux-tu avoir pareille pensée de ta fille ! dit Violette avec un morne sourire.

— Pourquoi alors ne m’embrasses-tu pas… comme avant ?

Un sanglot vite réprimé souleva à demi le sein de Violette, et elle répondit :

— Je craignais de t’importuner.

— Allons donc, folle ! se mit à rire Harold. Viens m’embrasser, Violette !

Ah ! elle l’aimait son père… en dépit de tout ! Et lui, comment pouvait-il ne pas aimer sa fille !

Il lui ouvrit ses bras et Violette, étouffante, s’y jeta en pleurant


Ce même soir, lorsqu’elle fut seule en sa chambre, Violette eut à ses lèvres un peu blêmies un sourire mystérieux, et longtemps elle demeura comme perdue dans une rêverie lointaine.

Plus tard, sous cet afflux de pensées nouvelles qui surgissaient à son esprit, la physionomie de la jeune fille s’éclaira, s’irradia, et cette Violette peu à peu redevint la Violette d’autrefois.

Et plus tard encore, ses lèvres longtemps fermés s’ouvrirent pour laisser s’envoler ce murmure tout résonnant d’énergie :

— Ah ! mon père s’en va de l’autre côté des mers… eh bien ! moi aussi… j’irai !


XVII

LE DÉPART


L’ordre d’embarquement avait été donné.

Québec. — Dès la première heure du matin une foule de citadins et de militaires se pressait dans la Côte de la Montagne, ondulait jusqu’à la rue Saint-Pierre, jusqu’aux quais et aux embarcadères le long desquels s’alide ces petits navires, surchargés de nos soldats, se détachaient lentement puis voguaient vers Lévis. Bientôt un premier train allait quitter la gare de l’Intercolonial pour rouler, à travers cette délicieuse vallée du Saint-Laurent, jusqu’au Golfe ou, quelque part, stationnaient les gros transports océaniques.

Il était dix heures du matin, lorsque le bataillon Saint-Louis, après la messe entendue à