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Et Harold, avec sa haine qui se réveillait devenait crédule, et il aurait accepté, comme bon sur la banque les plus grossières fourberies, les calomnies les plus absurdes.

Chez lui se développait une rage froide et calculée, rage plus terrible que celle qui gronde puis éclate tout à coup.

Alors, il fit entendre ces paroles :

— Cette fois c’en est trop, la mesure déborde. Docteur, si Marion m’a pris ma fille, s’il me l’a déshonorée… eh bien ! lui d’abord, elle ensuite !

Et son accent était si vrai, les flammes de ses yeux si ardentes, les traits de son visage si férocement contractés que le docteur Randall, peu facile à émouvoir d’ordinaire, frémit.

Peut-être, à cette minute, regretta-t-il ses menées perverses ?

Peut-être même eut-il la pensée d’avouer sa perfidie ?

Nous ne saurions dire au juste quelles pensées s’agitaient dans l’esprit sombre et infernal de cet homme. Toutefois, sa physionomie paraissait exprimer une certaine inquiétude, pendant qu’il observait Harold en proie à une fureur folle.

Maintenant l’ex-industriel parcourait son cabinet à grands pas, s’abandonnant tout entier aux tempêtes de son caractère, et laissant ainsi parler ses lèvres, sa rage, sa haine :

— Ah ! grinçait-il, quel esprit infernal a jeté sur ma route ce misérable Marion qui, non satisfait de s’en prendre à l’homme, au père, va jusqu’à se jeter sur la fille, l’innocente, pour l’entraîner avec lui dans son abjection, dans son avilissement ! Elle, cette enfant pour qui j’ai tant fait, elle pour qui je n’ai cessé de travailler nuit et jour afin de lui assurer une fortune quasi royale, elle que j’ai aimée plus que tout au monde, elle, ma seule consolation, la seule espérance de mes vieux jours prochains, cette enfant de mon sang, de ma chair… ma fille, Violette !… Ah ! peut-on être ingrat et dénaturé à ce point ! Elle oublie que je suis son père, elle se révolte contre mon autorité, elle me répudie, me renie pour suivre un malotru, un croyant qui, désespérant de conquérir la fortune avec la femme, se venge sur la naïve innocence de celle-ci ! Et l’on me dit que ces gens pratiquent une religion trois fois sainte, une religion qu’on proclame la seule vraie du vrai Dieu !… Est-ce possible qu’une telle religion fasse de tels adeptes ? oh !… Cette religion contre laquelle nous avons travaillé et que sans relâche nous cherchons à anéantir, à effacer du globe terrestre — cette religion-là ne peut être qu’une effroyable société propagatrice de l’anarchie, du vol, du meurtre, de toutes les iniquités !

Il s’arrêta, haletant, à deux pas du docteur. Puis, le front inondé de sueurs, l’œil sanglant,