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Écoute, Jules : j’ai dit que Violette te sauverait ! Eh bien je te le dis encore ; mais elle te sauvera seulement si tu remplis ton devoir jusqu’au bout et si tu accomplis ce devoir par amour pour elle, pour la conquête de son âme qui ne demande qu’à être conquise. Ah ! quelle œuvre sublime, Jules ! Et songes-tu que cette âme, une fois conquise, il n’y aura plus entre Violette et toi l’obstacle qui, jusqu’à ce jour, vous a séparés tous deux ? Et elle, Violette, la vois-tu, radieuse et reconnaissante, venir à toi, se donner tout entière puisqu’elle aura été conquise corps et âme ? Elle sera dès lors pour toi la suprême récompense et le véritable bonheur ; et l’apportant ce bonheur, elle t’apportera le salut… Jules, Violette t’aura sauvé !

…Allons ! mon fils, debout et sois fort !

Ces dernières paroles furent le choc électrique qui soulève.

Jules Marion se redressa, superbe d’énergie ; et la figure illuminée, les regards brillants, il saisit la main de l’abbé Marcotte, la porta ardemment à ses lèvres, et murmura :

— Merci, mon père, c’est vous qui me sauvez !

Alors l’abbé eut un sourire de triomphe et ses regards s’élevèrent vers le ciel.


XV

OÙ RANDALL ATTISE LA HAINE DE HAROLD SPALDING


Harold Spalding était sorti de sa taciturnité et de son mutisme.

Un matin, il s’était informé de la santé de Violette et, le midi, il avait dîné en compagnie de sa fille et d’une petite nièce, de Toronto, venue passer quelques jours dans la capitale.

Dès lors, sa physionomie soucieuse s’était illuminée, il avait reconquis sa liberté d’esprit, et paraissait avoir oublié les événements pitoyables qui, durant quelques jours l’avaient tant tourmenté.

Avait-il donc oublié sa haine contre Jules Marion et l’abbé Marcotte ? Avait-il abandonné ses projets de vengeances combinés et mûris pendant des jours et des nuits ?

C’est possible !

Car Harold, nous l’avons dit, s’emportait vivement, il avait la colère facile et terrible ; mais une fois l’orage passé, c’était fini, du moins en apparence.

Et puis Violette avait peut-être raison en disant que son père pouvait, dans un premier moment de colère, se laisser aller à la violence, à des actes peut-être irréparables. Mais cette colère tombée, elle croyait que son père oubliait ses menaces et regrettait des paroles ou des gestes qu’il n’eût pas osé dire ou faire de sang-froid et de propos délibéré.