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I

AUX ARMES !


Vers les quatre heures de l’après-midi de ce jour, samedi 11 novembre 1775, sous un ciel nuageux et bas, par un vent du nord-ouest soufflant par intervalles avec une grande violence et charriant des grêlons qui crépitaient en mitraille contre les tuiles des toits et les carreaux des fenêtres, les ouvriers quittaient précipitamment les ateliers et couraient vers le centre de la cité où les précédaient les commerçants et les petits bourgeois suivis de leur femme et de leurs enfants. Ceux des ouvriers, commerçants et bourgeois qui faisaient partie des milices se hâtaient vers leurs logis, y prenaient leurs fusils, leurs balles et leur poudre, et, poussant des cris d’allégresse ou de menace, s’élançaient dans la bourrasque pour se joindre au gros du peuple. Des chevaux traînant du canon ou tirant des chariots de munitions et escortés de cavaliers anglais allaient à toute erre par les rues glacées, raboteuses, coupées çà et là de fossés dont l’eau était gelée, et chariots et canons cahotaient avec un bruit d’enfer en dévalant vers les murs de la ville. Suivaient à peu de distance, au pas de course et aux cris stridents des clairons, quelques escouades de fusiliers et des compagnies de grenadiers. Hâtivement le peuple se rangeait pour faire place aux chevaux, aux canons, aux capotes rouges. Puis ce peuple, qui courait