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LA FEMME D’OR


Le reporter se sentait emporté vers la passe…

Je quittai mon poste d’observation. Dehors, l’inconnue n’était plus visible. Je me dirigeai hâtivement vers le numéro 666 je fus assez surpris de trouver la porte d’entrée légèrement entrebâillée. Un instant j’hésitai. Je tendis l’oreille à l’intérieur de l’habitation. Un silence profond régnait. Je pénétrai dans la noirceur du hall et refermai la porte sur moi. J’eus tort de ne pas laisser cette porte telle que je l’avais trouvée, mais j’étais trop distrait et trop énervé. Je n’avais pas peur, mais en face de l’inconnu je demeurais peu rassuré. Dans le hall je demeurai immobile un moment et j’éprouvai alors une violente sensation : il me semblait que j’aspirais un parfum violent qui montait à ma tête. Je voulus agir, et, connaissant les aîtres, je me dirigeai vers la salle à manger. J’allais au travers d’un noir d’encre. Quand je pénétrai dans la salle à manger il me sembla respirer un parfum plus doux qui produisit sur mes sens un immense bien-être.

« À présent, me dis-je, il importe de dissimuler ma présence. De suite je me souvins qu’à ma droite se trouvait un large buffet posé dans l’angle même de la salle. Je pouvais facilement dérober ma présence derrière ce meuble, pourvu qu’il ne fut pas trop lourd et que je puisse le déplacer un peu et le tirer à moi ensuite. À tâtons toujours je trouvai le buffet, j’essayai mes muscles et je réussis à faire un espace suffisant pour me glisser derrière. Malheureusement je ne pus le remettre en place. Bah ! me dis-je, cela n’y paraîtra pas. J’attendis…

« Combien de temps ?…Je me le demande encore ; car l’heure ou les heures de cette attente m’ont paru s’écouler comme en rêve. Je sortis de ma torpeur sous l’éclat d’un coup de tonnerre. Un éclair sillonna peu après la noirceur qui m’environnait ; mais dans cette lueur fugitive… Ah ! mes amis, quand j’y pense je frémis encore !… Oui, dans cette lueur j’entrevis comme une silhouette humaine devant moi… comme une statue en or ou en bronze… immobile et souriante !

— C’était LA FEMME D’OR ? balbutia le reporter.

— Elle… toujours ! Pourtant, dans la seconde seulement que dura la clarté sinistre de l’éclair, le sourire que j’eus le temps de saisir sur les lèvres de l’inconnue fit courir un frisson sur ma nuque. Je commençais à sentir la peur figer mes sangs. Instinctivement je tendis les mains en avant pour reconnaître l’endroit de ma cachette. Où étais-je ?… Voyez d’ici mon étonnement ! je ne touchais plus le bois du meuble derrière lequel je m’étais glissé. Un nouvel éclair déchira l’obscurité — un de ces immenses éclairs qui, en une seconde, embrasent tout un ciel et toute une terre. Et cette seconde me suffit encore pour découvrir une chose qui me fit chanceler d’épouvante. Tout près de moi, si près que je pouvais y toucher de mes doigts, et devant mes yeux égarés, je venais de voir un cercueil… mais un cercueil rouge d’un rouge sanglant, et, agenouillée auprès de ce cercueil…

— LA FEMME D’OR ? bégaya le reporter excessivement ému.

— Elle-même. Le coup de tonnerre qui suivit me fit recouvrer comme par enchantement l’usage de mes sens et de ma volonté. Je saisis mon revolver et le braquai sur la vision fantastique.

— Holà ! criai-je… Mais la voix plus forte du tonnerre avait couvert ma voix.

« Qu’importe ! je laissai ma main armée ten-