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la corvée

un curieux effet… elle sentait tout son être s’appesantir, et bientôt dans l’immense lourdeur qui l’enveloppa elle s’endormit.

Elle se réveilla pour la seconde fois au jour. Par les croisées ouvertes entraient à pleins flots la lumière et le soleil. Une brise caressante faisait battre les rideaux et osciller le calice des fleurs sur les étagères. Comme il faisait bon dans cette chambre, et comme il faisait beau dehors ! Clémence sourit longuement… elle se sentait si bien reposée… Mais l’inquiétude fit bientôt place au plaisir et au bien être : quoi ! Mariette n’était donc pas là encore ?

Comme le soir précédent elle appela sa sœur.

La même servante parut.

— Mademoiselle, voulez-vous me dire où est Mariette ? interrogea craintivement la jeune paysanne.

La servante sourit, prononça quelques paroles toujours incompréhensibles à Clémence, et sortit aussitôt.

— Bon ! pensa la jeune fille avec espoir, cette fois elle va chercher Mariette !

Non, ce ne fut pas Mariette qui entra peu d’instants après, ce fut la dame anglaise que Clémence reconnut. Malgré son désappointement, la jeune fille fut contente de revoir la maîtresse de la maison, au moins celle-ci la comprendrait.

— Oh ! Madame, allez-vous me dire enfin où est Mariette ?

Au lieu de répondre à cette question dont elle saisissait toute l’impatience et l’inquiétude, la bonne dame sourit et interrogea avec douceur dans un français à l’accent curieux pour la jeune fille mais qu’elle comprenait très bien :

— Êtes-vous bien reposée, Mademoiselle ?

— Oh ! oui, Madame, et je vous remercie de tout cœur. Vous êtes bien bonne. Seulement, je me sens encore un peu faible.

— Il faudra encore reposer toute la journée.

— Mais Mariette, madame… vous ne me dites pas où elle est : et si je la reverrai bientôt ?

— Elle est allée chercher votre père répondit évasivement la dame.

Cette réponse calma les inquiétudes de la jeune fille. Elle sourit et se laissa retomber sur l’oreiller…

— Reposez-vous encore, dit la dame. Tout à l’heure une de mes servantes vous apportera à manger. Demain, vous pourrez vous lever.

— Merci, madame. Mais lorsque Mariette reviendra, vous la ferez conduire ici, voulez-vous ?

— Certainement.

La jeune femme tapota les joues encore pâles de Clémence et se retira.

Longue et triste fut cette journée pour la pauvre Clémence, malgré la beauté riante de sa chambre, malgré les bontés et les attentions dont on l’entourait, malgré les bonnes choses qu’on lui fit manger. Elle pensait sans cesse à Mariette et à son père… elle ne cessait d’appeler Mariette. Souvent aussi sa pensée accourait près de sa mère, et de là encore lui venaient des angoisses mortelles. Ces heures de repos qui, somme toute, n’en était pas pour la jeune fille dont l’esprit demeurait obsédé et inquiet, parurent aussi longues à Clémence qu’avaient paru à Jaunart les heures interminables de son cachot. Enfin, Clémence vit venir le soir, mais non Mariette, hélas !

La dame anglaise vint rendre visite à la jeune fille pour lui dire que Mariette n’était pas revenue, mais qu’elle allait assurément revenir avant la nuit.

Ce soir-là Clémence se leva. Une servante l’habilla d’un magnifique peignoir de soie rose qui rendit la jeune fille toute confuse. On la fit asseoir sur un large fauteuil en face d’une croisée, par où entraient la brise et le parfum des fleurs du jardin. Elle regarda le jour s’éteindre peu à peu, elle écouta, amusée, les cris d’enfants qui jouaient dans la rue, elle s’émut aux chants multiples des oiseaux, et elle vit dans le ciel bleu s’allumer les premières étoiles. Ah ! qu’il aurait fait bon vivre là, si Mariette avait été près d’elle ! Mais Mariette ne revenait pas.

Plus inquiète que jamais, découragée, elle se laissa reconduire à son lit par une servante, mais avec la résolution bien prise de se mettre, dès le matin suivant, à la recherche de Mariette, si Mariette n’était pas revenue. Mais elle n’en dit rien à la dame anglaise qui vint encore une fois lui rendre visite, en lui assurant que son mari était en train de faire faire des recherches par la ville.

Clémence, ce soir-là, s’endormit avec un peu d’espoir au cœur. Mais à son réveil le lendemain, au petit jour, elle constata que