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LA BESACE DE HAINE

quelin porte l’un et moi je porte l’autre… voyez !

Flambard exhiba le poignard que nous connaissons.

Jean Vaucourt compara ce poignard au sien.

— C’est bien la même chose, dit-il, et ce sont les mêmes lettres gravées de la même façon. En ce cas, ces poignards seraient au nombre de trois.

— Et s’il y en a trois, ne peut-il en avoir quatre ? Mais, à présent, je suis satisfait d’une chose, que Lardinet n’était pas le propriétaire de ces poignards, acheva Flambard.

— Je suis également de cet avis, intervint Marguerite de Loisel, car j’aurais sûrement surpris parmi la collection d’armes de Lardinet ces trois armes remarquables.

— Elles sont surtout remarquables, dit Jean Vaucourt, par leur lame que le sang ne tache pas.

— C’est vrai, dit Flambard, j’avais remarqué cette particularité.

— Mais alors, reprit Jean Vaucourt, si ces armes n’étaient pas la propriété de Lardinet, quel en était donc le propriétaire ?

— Pour arriver à cette identité, remarqua Flambard, il s’agirait de découvrir un nom s’écrivant des mêmes initiales.

— Je connais un nom, dit Marguerite, et je peux ajouter que nous connaissons tous un nom qui s’écrit avec les mêmes initiales.

— Ah ! fit Jean Vaucourt, avec un regard chargé de vengeance, dites ce nom, Marguerite !

— Je n’ose… ce serait manquer aux lois de la charité chrétienne que d’accuser sans preuve positive !

— Voici une preuve positive, dit Flambard, ces poignards ! D’ailleurs je soupçonne le même personnage que vous, mademoiselle.

— Son nom ! dit Jean Vaucourt.

— Fernand de Loys, répondit Flambard.

Jean Vaucourt se dressa sur son lit.

— Fernand de Loys ! rugit-il. Fernand de Loys… avez-vous dit, Flambard ? Fernand de Loys… n’était-il pas dans cette maison la nuit où j’ai été frappé ?

— Il y était, répondit Marguerite.

— Ah ! moi qui avais cru faire un songe, s’écria le capitaine, et c’était la vérité !

— Quel songe ? demanda Flambard, surpris.

— Mon ami, reprit Jean Vaucourt les dents serrées, dans un rayon d’éclair j’ai reconnu, cette nuit-là, les traits de l’homme qui m’a frappé de ce poignard ! Je l’ai vu, une seconde, comme je vous vois ! Et à présent, en reconstituant la scène, je me retrouve face à face avec mon meurtrier… c’était Fernand de Loys ! Oh ! Flambard, s’écria le capitaine avec un geste désespéré, comme je voudrais me voir fort pour aller châtier de suite cet infâme !

— Laissez faire, dit Flambard, je me charge de ce soin. Je vous demanderai d’abord de me remettre cette arme.

— N’oubliez pas, Flambard, que c’est l’un de ces poignards qui a frappé mon père !

— Et la main qui a tenu l’arme, celle du vicomte de Loys ?

— Oui, je le jurerais maintenant. Et moi qui avais soupçonné Bigot !

— Capitaine, dit Flambard gravement, vous n’avez pas suspecté à tort François Bigot. Si de Loys a frappé votre père, quel intérêt avait-il ? Aucun. Seul, Bigot en voulait à votre père qui n’avait cessé de critiquer, et avec raison, son administration. Or, si de Loys a frappé, ce fut sur les instigations de l’intendant.

— Eh bien ! tant pis, ce sera deux têtes qu’il faudra atteindre au lieu d’une ! Flambard, prononça Jean Vaucourt avec un accent résolu, il faut venger mon père !

— Nous le vengerons, capitaine. J’avais cru le venger en tuant Lardinet ; mais à présent, comme vous, je crois que la mort de votre père a été décrétée par Bigot et exécutée par de Loys.

— Il faut le venger ! répéta sourdement Jean Vaucourt en serrant avec force une main de Flambard.

— Je le vengerai, soyez tranquille ! Oh ! j’ai bien de la besogne à faire avec tous ces êtres ignobles que je veux démasquer et envoyer en enfer au plus tôt !

— Oh ! murmura Jean Vaucourt avec désespoir, si je pouvais me lever !

— Remettez-vous, capitaine, encouragea Flambard, il vous restera toujours quelque châtiment à appliquer, car je vous réserverai une tête ou deux !

— Mes amis, intervint Marguerite avec un doux sourire, n’oubliez pas que la vengeance est ennemie de Dieu !