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LA BESACE D’AMOUR

— La besace d’amour ! fit la jeune fille avec un grand étonnement.

— C’est ce qui explique sa disparition, ajouta le comte ; un gaillard quelconque aura pensé qu’elle contenait un philtre ou un élixir d’amour !

Un rire général résonna, et les cinq amis sortirent du Château pour se rendre en l’auberge de la rue Buade.



CHAPITRE XI

UNE MISSIVE DE FLAMBARD


Le lendemain de ce jour, le comte de Maubertin, qui s’était retiré à la petite maison qu’habitaient dans la campagne voisine Mme  de Ferrière et Mlle  de Maubertin, recevait de son ami Flambard l’épître suivante :

« Monsieur le comte, je regrette de ne pouvoir accepter avec notre ami Jean Vaucourt l’invitation que vous nous avez faite hier d’assister à la petite fête de famille que vous avez proposé de donner dans quelques jours. À présent que je n’ai plus rien à faire ici, et vu que je suis soldat, je pars avec Jean Vaucourt pour la frontière où l’on se bat pour la France. Vous pouvez donc vivre heureux en attendant, comme m’a assuré le roi, qu’il vous ait trouvé un poste soit en Nouvelle-France, soit encore aux Indes. Mais si, par cas, il survenait un évènement qui nécessiterait ma présence près de vous, daignez m’en faire prévenir et j’accourerai. »

« Jean Vaucourt me prie de vous offrir l’expression de sa gratitude. »

« Quant à moi, monsieur le comte, je vous serre la main et vous demande de me rappeler de temps en temps à l’excellent souvenir de ces dames pour lesquelles j’entretiens les sentiments les plus respectueux et les plus dévoués. »

Flambard Laurent-Martin

— Brave Flambard ! murmura le comte.

Puis attirant sa fille à lui, il l’embrassa longuement et dit avec une grande tendresse :

— Bénissons Dieu qui sait nous conserver de si bons amis dans les infortunes !…

La jeune fille souriait doucement à son père.


FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE


Deuxième Partie

CHAPITRE I

SUR LA FRONTIÈRE


Les principales opérations des troupes françaises et coloniales, cet été-là, eurent lieu sur la rive droite du lac Ontario.

Les Anglais avaient élevé, à l’embouchure de la petite rivière Oswégo, le fort du même nom et que les Français appelaient Chouagen. Ce fort avait été bâti dans le dessein de protéger le commerce des Anglo-américains sur les grande lacs, de faire barrière aux sauvages qui, de l’ouest, venaient souvent faire des incursions, d’empêcher les tentatives d’approche par les soldats de la Nouvelle-France, mais surtout avec le but de se ménager une porte d’entrée facile sur le sol canadien.

Le fort Oswégo se trouvait protégé par deux autres forts : le fort George, un peu à l’arrière et dominant le fort Oswégo sur la rive gauche de la rivière, et, sur la rive droite, le fort Ontario placé sur une forte éminence. Le premier de ces deux forts n’était qu’une sorte de retranchement palissadé de peu d’importance ; le second, le fort Ontario, possédait par sa construction solide et surtout par l’avantage de sa position une réelle valeur défensive.

L’ensemble de ces fortifications était garni de canons et défendu par une troupe de quatorze cents hommes et quelques sauvages sous le commandement du colonel Mercer.

Le marquis de Vaudreuil avait depuis quelque temps formé le projet de chasser les Anglais de ce point du lac Ontario, parce que leurs forts constituaient une menace pour la colonie française. Aussi, au printemps de 1756 en apprenant les grands préparatifs des Anglo-américains pour envahir le Canada, décida-t-il de tenter l’enlèvement de ces forts aux Anglais.

Quelques jours avant l’arrivée du marquis de Montcalm, Vaudreuil dépêcha vers Oswégo un officier de valeur, Coulon de Villiers, avec environ mille hommes dont deux cents sauvages. De Villiers n’avait d’autre mission que d’inquiéter les Anglais, de faire des relevés du terrain et de s’enquérir des forces de l’ennemi sur ce point de la frontière. C’est ce qu’il fit avec diligence. Puis il envoya au gouverneur un mémoire détaillé du pays, et il suggérait en même temps les moyens à prendre et les tactiques à suivre pour entreprendre le siège d’Oswégo.

Ces moyens et tactiques furent longuement discutés entre Montcalm et Vaudreuil, et le premier, avant pesé toutes les chances de succès, essaya de dissuader le gouverneur de tenter l’entreprise. Mais Vaudreuil avait de si grands espoirs qu’il finit par faire adhérer le marquis de Montcalm à son projet, et l’entreprise fut définitivement décidée.

Le 10 août de la même année, Montcalm arriva en vue de la place ; il avait avec lui un peu plus de trois mille hommes de troupes régulières et de milices, et quelques bandes de sauvages. Le siège fut aussitôt commencé. Les troupes françaises et les milices canadiennes déployèrent la plus grande valeur ; si leur nombre était supérieur à celui de la garnison des forts elles avaient par contre le désavantage de la position. Mais les obstacles furent renversés, et en quatre jours la place fut emportée. Outre le commandement de la place, le colonel Mercer, qui fut tué, les pertes des Anglais furent très lourdes en morts et en blessés, sans compter un riche et immense butin qu’ils abandonnèrent aux vainqueurs. Cette rapide victoire avait jeté l’effroi jusqu’au cœur des colonies américaines, elle avait apporté un fort désappointement en Angleterre, comme elle avait semé la joie en Canada et en France.

Plusieurs officiers et soldats s’étaient brillamment distingués durant cette courte campagne, entre autres : Bourlamaque, Pouchot, Rigaud de Vaudreuil, frère du gouverneur, Flambard et Jean Vaucourt.

Flambard avait été mis à la tête d’une bande de sauvages. L’on savait par expérience que