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la belle de carillon

tard… dans quelques jours. Vois-tu, il ne s’agit encore que d’un projet ; rien n’est décidé.

— N’importe ! voulut insister la veuve. Tu n’as pas le droit de cacher à ta mère le nom de celui que tu désires pour mari.

— Mais je n’ai pas le droit non plus de dévoiler à qui que ce soit, pas même à ma mère, le nom d’un galant homme, avant que ce galant homme et moi nous ne nous soyons engagés formellement. Je vous ai dit, maman, que ce n’est encore qu’un projet. Et puis, je ne voudrais pas que le capitaine d’Altarez sût…

— Il ne saura pas, interrompit Mme Desprès, je t’en donne ma parole. Voyons, dis-moi le nom…

— Plus tard, maman.

— Est-ce un gentilhomme, au moins ?

— Un des plus beaux gentilhommes que je connaisse, répondit Isabelle avec une fervente admiration.

— Est-il fortuné ?

— Il apportera à sa femme la plus belle des fortunes, maman.

— Je le souhaite bien. Mais, tout de même, Isabelle, songe que je vais me trouver dans une jolie posture avec le capitaine d’Altarez.

— Bah ! tout cela va s’arranger avec le temps. Et toi-même oublies-tu que tu m’as mise en une fâcheuse posture en me promettant comme femme à Monsieur d’Altarez ?

— Tu sais bien, Isabelle, que je ne l’ai pas fait exprès, je croyais si bien qu’il y avait entente entre toi et lui. Mais là, je suis assez embarrassée de savoir que dire à Monsieur d’Altarez pour lui expliquer…

— Laisse donc, maman, ça va s’arranger. Mieux encore, la chose est arrangée, car Monsieur d’Altarez sait à quoi s’en tenir à mon sujet. Une chose certaine, il apprendra à ne pas se croire le maître des cœurs !

— J’espère bien que tu n’as pas fait de bêtises, Isabelle ?

— Moi ?… Tu sais bien que non. La bêtise, c’est lui qui l’a faite !

— Et moi aussi… confessa timidement Mme Desprès qui réconfortée à la pensée que sa fille avait trouvé mieux que d’Altarez pour compagnon de vie, s’en voulait d’avoir agi à l’insu d’Isabelle.

— Non, mère chérie, toi tu as pensé que la démarche de Monsieur d’Altarez avait mon appui. Mais, enfin, c’est fini. À présent, je vais me coucher, il est tard…

Elle embrassa longuement sa mère et se retira dans une petite pièce voisine qui était sa chambre à coucher.

Mme Desprès demeura seule et pensive pendant un quart d’heure, puis, à son tour, elle gagna sa chambre à coucher voisine de celle d’Isabelle.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lorsque Valmont, après avoir quitté Isabelle à la porte du fort, pénétra dans ses retranchements et sous la petite hutte qu’il avait dressée pour lui et son lieutenant, il trouva celui-ci assis par terre, adossé à un tronc d’arbre et fumant une pipe qu’il avait lui-même fabriquée d’une racine de saule. À ses pieds fumait un petit feu de branches, de mousse et de terre destiné à écarter les importuns moustiques qui, malgré la fraîcheur de la nuit, et peut-être même à cause de cette fraîcheur qui les rendait avides d’un peu de sang chaud, tournoyaient autour de la hutte en soufflant dans leur petite lancette. L’armée dormait, et dans le silence qui régnait sur le camp on n’entendait que le continuel et agaçant zizi de ces petites volatiles.

— Y a-t-il longtemps que tu es rentré, Bertachou ? interrogea Valmont en pénétrant sous la hutte basse, si basse que pour entrer il fallait ployer l’échine en deux.

— Une demi-heure, trois-quarts d’heure au plus, répondit le lieutenant.

— Pourquoi ne t’es-tu pas couché ?

— Je vous attendais, capitaine.

— As-tu quelque chose à me confier ?

— Rien, sinon qu’à la cantine, ce soir, on a parlé de vous.

— Qui a parlé ?

— Oh ! des pions de la garnison du fort. On a l’air de vous garder une dent par là.

— Que peuvent me vouloir ces gens ? demanda Valmont avec un sourire méprisant.

— Je ne sais pas. Seulement, j’ai remarqué de la rancune, de la haine même. Ces Pions-là avaient tous de vilains regards, et quand on voit du chicotin dans l’œil de son voisin, il y a quelque chose qu’on médite en dessous et faut se défier. C’est pourquoi je veux vous dire de vous tenir sur vos gardes.

— C’est bien, merci.

Et Valmont, sans plus, se jeta sur sa couche, pensant un peu à Mme Desprès qui,