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PROLOGUE


En ce jour de mai, sous un ciel éclatant, Québec étincelle de lumière. Le Saint-Laurent remue paresseusement ses ondes bleues sur lesquelles se balancent avec grâce de nombreuses voiles blanches. La ville est joyeuse et animée. Dans les jardins, les arbres font leur feuillée, les fleurs donnent le jour à leurs timides corolles, les herbes nouvelles, d’un beau vert sombre, tapissent déjà les parterres. Il semble que ce jour-là soit le plus beau qu’on ait vu, que la nature se soit faite plus belle que jamais, que le Ciel ait répandu sur la Nouvelle-France et son petit peuple tous ses bienfaits.

Monsieur le Comte de Frontenac parade par les rues de la cité : une compagnie de tambours et de fifres le précèdent, ses gardes l’entourent, la maréchaussée ferme la marche. Car Monsieur de Frontenac aime à laisser entendre et surtout à faire voir qu’il est un maître ! Il entend être non le vice-roi, mais le roi de la Nouvelle-France. Il veut donner une idée de son pouvoir et, peut-être aussi, de sa puissance. Et, comme à dessein, il défile avec son imposante escorte devant la cathédrale et devant l’habitation de Monseigneur l’évêque, et comme pour narguer, sinon le défier, le représentant du pape. Plus tard, ayant franchi la porte de la basse-ville, il passe lentement avec grand bruit de tambours et de fifres…

Le peuple, émerveillé, admire, salue, s’incline…

Aux côtés de Monsieur de Frontenac deux cavaliers caracolent : l’un, à gauche, est le cheva-