Page:Féron - Fierté de race, 1924.djvu/5

Cette page a été validée par deux contributeurs.



I

Une tante.


La tante s’appelait, par alliance, Mme Prosper Renaud.

Mme Renaud habitait, au faubourg Saint-Sauveur, une petite maison écartée dont la façade était abritée par un bouquet d’érables et de lilas. L’entretien de cette maison bourgeoise rongeait jour à jour le salaire de M. Prosper Renaud, sorte de chef de bureau à l’Hôtel de Ville de la vieille cité.

Le vêtement, la mangeaille, le chauffage, l’éclairage, les impôts prenaient le plus clair des appointements du fonctionnaire. Les petites réceptions données par la digne Mme Renaud, les « five-o’clock », les « Bridge », les « week-end », bref, tous ces petits mange-tout grugeaient le reste du salaire mensuel. À ce point que Mme Menaud avait connu ce jour néfaste où il avait fallu congédier la bonne pour arriver à mettre les deux bouts ensemble.

Fort heureusement que « le Ciel en sa clémence » n’avait point accordé un héritier aux époux Renaud ; car, advenant la mort prématurée des parents, l’héritage laissé par eux se fut totalisé par une maison grevée à sa pleine valeur et quelques meubles vieillots et sournoisement parés auxquels Mme Renaud savait — par quel art ingénieux ? — conserver un petit air de bonaise.

Heureusement donc, et malheureusement aussi, le ménage Renaud demeurait sans enfant.

Si nous ajoutons « malheureusement », c’est pour expliquer le fait que Mélanie (petit nom