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VI

La manie des proverbes

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De M. Canel (Blason populaire de la Normandie) : « Implanté, agrandi par la conquête, le peuple normand ne pouvait guère avoir que des ennemis. Son blason par cela même ne pouvait manquer d’être fort étendu. Chaque province menacée par son esprit aventureux apporta sa pierre au monument de défiance et de haine que le passé a élevé contre lui. »

Aux flétrissures des Français et de nos voisins Bretons nous avons répondu par des proverbes injurieux, en aussi grand nombre. Nous devons aussi à nos origines nordiques le goût tout germain des sentences. Enfin le peuple en Normandie a toujours rimaillé volontiers, par gausserie. Bonaventure-Despériers disait : « Vous savez qu’à Rouen on ne parle autrement qu’en rime. » Si l’on consulte l’almanach Argentanais pour 1842, on verra combien l’arrondissement d’Argentan fournit à lui seul de proverbes vernaculaires[1].

Notre province est la terre classique des sentences ; et Villon a écrit la Ballade des proverbes, celle des Menus propos, celle des Contre-vérités, de Bon conseil, parce qu’un poète vit de la substance de sa race. Presque tous ses refrains de ballade ont un frappé d’apophtègme, un relief de maxime, une ciselure d’adage et de devise. Signe de race incontestable, très éloigné du coup de gueule parisien.

Le Normand est sentencieux ; sur les bords de la Bièvre l’homme est douteur, sardonique, goguenard. Là gît un de mes plus fermes arguments.

  1. L’Avranchin n’est pas moins riche. Consulter le Blason populaire de l’Avranchin, par M. A. de Tesson, 1903.