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DE FRANÇOIS VILLON

Avec Pierre d’Alheim, j’accepte cette filiation. Horace ou Orace[1] est sans doute, au commencement du quinzième siècle, un jongleur attardé, un peu rimeur, voire un peu voleur, bon Français au demeurant. Nous le savons par Rabelais : les pipeurs, larrons, baleurs de pavé, maîtres ès arts, décrétistes, crocheteurs, harpailleurs, rimasseurs, basteleurs, jongleurs, joueurs de passe-passe, enchanteurs, crieurs d’indulgences et vielleurs, poètes[2], escorcheurs de latin, tous sont gens de même confrérie, fainéants, partant écornifleurs ou parasites, dédiés au Dieu des voleurs. Comme l’aïeul, organisateur de soties, Villon a couru les grands chemins, repris à l’Université par la volupté de l’errance. Le bon chapelain Guillaume lui préparait quelque bénéfice ecclésiastique ; l’instinct de sa genée le transmuta en chevalier de la Coquille, mercerot de la province argotique de Rennes. Loup n’engendre mouton.

Examinons maintenant ce nom d’Horace qui semble si singulier à M. Longnon.

En ces époques troublées de la guerre de cent ans, il n’y a pas d’état civil, chacun prend le nom qu’il lui plaît (il n’y a que des prénoms). Celui-ci est Jean le Roux, de la couleur de son poil, et cet autre Courtecuisse, de ses jarrets attachés bas. Pour l’homme de la combe, cil qui descend des hauteurs, est Dumont. On se cognomme de son village, de la haie de son « pourprin », du fleuve proche. Le jongleur, tel son descendant l’homme de lettres, aime les beaux noms de guerre, et l’orgueil professionnel lui en suggère d’ambitieux.

Ces clercs errants, réciteurs de fabliaux et chanteurs d’estampies, étaient souvent des moines, évadés de leur cloître, où ils avaient copié, enluminé, rubriqué les auteurs grecs et latins. On comptait les frocs par centaines à Jumièges, à Saint-Wandrille, au Bec, à Saint-Évroul, à

  1. Au temps de Villon on supprime l’h muette. Pour hôtel ou hostel on dit : ôtel ; pour Homère : Omère ; orribilité pour horribilité…
  2. C’est de ce temps, allez, que datent, chez le bourgeois, la haine et le mépris pour les poètes.