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LES ORIGINES NORMANDES

un chapelain de Saint-Benoît-de-Bétourné, en échange de services domestiques. Et le bonhomme toléra le petit avec la mère, que ses épreuves inclinaient à la piété.

D) L’Aïeul de François

Des commentateurs de Villon, M. Longnon seul s’est occupé de ce personnage.

Mon père n’ot oncq grant’richesse,
Ne son aïeul nommé Orace.

Grand Test. v. 276.

M. Longnon nous incite à identifier l’ancêtre du trouvère parisien avec un bateleur du quinzième siècle, l’unique Horace qu’il ait rencontre dans ses études sur cette période. Il écrit : « C’était une sorte de bouffon patriote ; durant le mémorable siège que la ville de Meaux soutint pendant sept mois contre le roi d’Angleterre en 1421–1422, il accompagnait, en sonnant de la trompe, un âne couronné, que les assiégés avaient hissé sur les remparts et qu’ils accablaient de coups pour le contraindre à braire. Les organisateurs de cette plaisanterie criaient alors aux Anglais que c’était Henri leur roi (Henri était, en ce temps, un nom communément donné à l’âne comme, plus tard, Martin) et qu’il réclamait leur assistance. Or, le malheureux Horace fut de ceux que le traité de reddition vouait à une mort certaine en le livrant à la justice du monarque anglais, et il paya sans doute de sa vie sa participation à une bouffonnerie qui avait blessé profondément l’amour-propre des ennemis de la France. »

Un bateleur, improvisateur de farces patriotiques, est un ancêtre vraisemblable du poète errant et famélique qui chanta Jehanne la bonne Lorraine. Tel grand-père, tel petit-fils. L’aède est le fruit de sa race. Il n’apparaît pas dans une famille sans devanciers plus ou moins déclarés. Rien spontané dans la formation d’un homme, d’un génie, d’un caractère.