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VIEILLESSE DE POÈTE

L’âge va m’ébréchant, dent par dent, jour à jour,
Et cheveu par cheveu m’épile de sa pince.
Siège long et sournois ! — Un arc cruel et mince
Décime mes espoirs paradant sur la tour.

Terrasses, d’où j’ai vu venir à moi l’Amour
Sous la housse orfévrée et le manteau d’un prince,
Adieu ! L’hiver durcit l’arrogante province
Au pas de l’exilé, dont le souffle est plus court.

Je croise le dédain des Amantes ; qu’importe ?
N’ai-je pas pour m’aimer encor mes chères Mortes,
Qui baisent sans dégoût mes lèvres d’autrefois ?

Vers la mer ténébreuse irrué comme un fleuve,
Si mon regret regarde en arrière je vois
Les Muses rebâtir mon nom de briques neuves.


30 novembre 1911.