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Sa compagne ponctue une animalité
Touchante d’un crin fauve où sa jambe se dore,
Elle noie et disperse au vent clair l’âpreté
De la nuit et de ses yeux verts de carnivore.

Par la savane ils vont vers le couvert, frôlés
D’ailes et de rayons. Un grand arbre à l’orée,
Un nerveux tronc érige aux gazons crespelés
Les tumescences de la forêt vers la prée.

Lorsque sous sa paix verte ils entrent enlacés,
Un nain, d’une coudée, y brandit sa sagaie,
Là, sur l’écorce… Ils vont droit au geste dressé :
Mais l’ennemi n’est plus sur l’arbre qu’une raie.

Un fin burin de corne ou d’os a de l’aubier
Fait éclore la silhouette indélébile
Du nain qui vise un faon… Ils crient vers ce gibier :
La bête les déçoit d’une fuite immobile.

— Faut-il croire ce que n’ont pas dit les Vieillards ?
Et leur émoi religieux sans culte encore
Tend les bras vers le ciel aux fentes des brouillards
Où cuit la venaison saignante de l’aurore.

La femme a bien penché sa soif au vivier clair,
Et sait qu’une autre y boit, face inverse et furtive,
Et qu’une insaisissable sœur double dans l’air
Sa voix, avec sa joue éparse dans l’eau vive.