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tement rassuré sur les tentatives dont Hélène pouvait être l’objet, il recommanda à la première de continuer à la protéger s’il le fallait.

Cette recommandation, qu’il regardait presque comme superflue, ne l’était pas cependant. Le cœur des femmes a de si profonds abîmes que nul ne saurait les sonder. Cette passion, qui avait failli perdre la pauvre enfant, n’était pas éteinte en elle. Loin de là ! C’était un feu qui devenait chaque jour plus dévorant ; les efforts mêmes qu’elle faisait pour en triompher servaient à l’alimenter ; le secret où elle devait le tenir en accroissait l’ardeur.

Partout, toujours, un nom était prêt à sortir de ses lèvres, une image était présente à son esprit.

Elle ne se promenait pas dans le parc sans se diriger vers le lieu où il lui était apparu pour la première fois ; elle s’arrêtait dans la campagne à la place où il lui avait fait remettre son billet ; il n’y avait pas jusqu’à la petite grille du parc vers laquelle elle ne jetât les yeux en poussant un soupir qui n’était pas inspiré par la colère et le ressentiment. Et, au milieu de ces coupables pensées, le souvenir de Franck n’était évoqué que comme celui d’un tyran sévère, d’un maître ingrat.

Si les bons instincts de sa nature essayaient de se révolter contre cette injustice, elle se rappelait presque aussitôt la scène du bosquet, les tendres et pressants aveux qu’elle lui avait adressés, la manière dont il les avait repoussés. Son mauvais génie ou la fatalité prenant le dessus, elle oubliait combien il avait paru désespéré, malheureux ; elle ne supposait même pas qu’il eût souffert en cet instant où elle avait été torturée elle-même.

Tout en elle était confusion, désordre et tourment. Sa nature indécise se laissait entraîner tour à tour par les courants les plus contraires, et elle était sincère dans ses contradictions les plus étranges.

Clotilde, hélas ! n’était pas beaucoup plus heureuse. Ce qu’elle souffrait était un mal bien autrement cuisant. Hélène,