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tié. D’ailleurs, tu vois, je suis forte, je suis guérie, je vais bien, tout à fait bien. »

Elle marchait en vacillant par la chambre.

« Vous vous soutenez à peine. Venez à votre lit ; voulez-vous que j’appelle ?

— C’est inutile.

— Alors laissez-moi vous aider ; il faut vous reposer. »

Elle la força à se mettre sur sa couche ; puis, au lieu de rentrer dans sa chambre, elle sortit, traversa la galerie et alla prêter l’oreille à la porte du chevalier.

Elle arriva au moment de sa chute. Épouvantée de ce bruit, elle redoubla d’attention, mais elle n’entendit plus rien. Ne pouvant résister à son inquiétude, elle ouvrit doucement, fit un pas dans la chambre, son pied heurta quelque chose. Son cœur battait avec force, mais elle était courageuse autant que bonne, elle se baissa… Nous savons le reste.

Hélène passa une nuit pleine de trouble d’esprit et d’agitation des sens. La scène terrible de la soirée l’avait jetée en des angoisses inexprimables. Franck, si bon et si dur tout à la fois, lui paraissait le héros d’une énigme à la pénétration de laquelle elle se perdait. Il lui avait si impitoyablement navré le cœur, puis l’instant d’après il avait été si plein de générosité et de franchise ! Quel mystère de mort y avait-il donc sous ces brusques contrastes ?

Mais une des phrases du chevalier lui revenait surtout à la mémoire et l’embarrassait, c’était celle-ci : « N’aimez pas mon frère Raoul ! » Elle ne connaissait personne, pourquoi lui défendre d’aimer celui-ci plutôt qu’un autre ? Pourquoi tous les autres, excepté ces deux frères, les neveux de sa bienfaitrice ?

Dans la fièvre de son insomnie, elle se demanda plus d’une fois s’il ne serait pas meilleur de retourner au couvent que de rester dans un monde où la vie commençait par des déceptions et des douleurs ?

Elle était dans le chaos de ces alternatives lorsque le jour parut. À peine le premier rayon de soleil traversait ses ri-