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J’aurais voulu devenir prince souverain en Italie. Je me mis pour cela au service de Charles-Quint.

François. — Quoi ! ne regrettiez-vous point votre patrie et n’aviez-vous point envie de la revoir ?

Bourbon. — L’ambition était chez moi la passion dominante, et je voulais m’enrichir : de plus j’appréhendais que vous ne tinssiez encore pour votre mère, qui avait été la cause de ma disgrâce.

François. — Mais il valait mieux aller dans vos terres et demeurer premier prince du sang, éloigné de la cour, que de commander les armées de l’ennemi capital du chef de votre famille.

Bourbon. — Je reconnais à présent ma faute et j’en suis touché sincèrement.

François. — Mais qu’est-ce qui vous fit entreprendre le pillage de Rome ?

Bourbon. — Il faut vous découvrir ici tout le mystère. Lorsque je fus entré au service de Charles-Quint, François Sforce était duc de Milan : l’empereur voulait s’emparer de ce duché. Le duc n’était pas assez fort pour lui résister : il n’y avait que son chancelier, nommé Moron, homme expérimenté, homme qui découvrait tout et empêchait le duc de tomber dans les panneaux qu’on lui tendait. L’empereur, croyant qu’on ne pourrait exécuter son entreprise tant que cet homme serait auprès du duc, le fit prendre et lui fit faire son procès sur de fausses accusations, par lequel il fut condamné à mort. Comme on le menait au supplice, il me fit promettre une grande somme d’argent et il me fit dire qu’il découvrirait des choses importantes si je lui sauvais la vie. Je fus ébloui par ses promesses et fis retarder l’exé-