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États de la maison de France ; mais, à parler franchement, je craignais encore davantage un prince de mon sang, sur l’expérience des derniers ducs de Bourgogne. De là vient que je ne voulus écouter aucune proposition sur aucun des princes de la maison royale. Pour mon fils, je le craignais plus qu’aucun autre prince ; je n’avais pas oublié toutes les peines dans lesquelles j’avais fait mourir mon père, quoique je n’eusse aucun pays dont je fusse le maître. Je disais en moi-même : « Mon fils pourrait me faire bien pis, s’il était souverain des deux Bourgognes et des dix-sept provinces des Pays-Bas : il serait bien plus redoutable pour moi dans ma vieillesse, que le duc Charles de Bourgogne », qui avait pensé me détrôner : tous mes sujets, qui me haïssaient, se seraient attachés à lui. Il était doux, commode, propre à se faire aimer, facile pour écouter toutes sortes de conseils : s’il eût été si puissant, c’était fait de moi.

Maximilien. — Je vois bien maintenant ce qui vous a arrêté sur ce mariage ; vous avez préféré votre sûreté à l’accroissement de votre monarchie. Mais pourquoi refusâtes-vous encore Jeanne, héritière de Castille et fille du roi Henri IV ? Son droit était incontestable, et sa tante Isabelle, qui avait épousé le prince Ferdinand d’Aragon, ne pouvait lui disputer la couronne. Henri, en mourant, avait déclaré qu’elle était sa fille et qu’il n’avait jamais abandonné la reine, sa femme, à Bertrand de la Cueva. Les lois décidaient clairement pour Jeanne ; le roi de Portugal, son oncle, la soutenait ; la plupart des Castillans étaient pour le bon parti : on vous offrait cette princesse pour votre Dauphin ; si vous l’eussiez acceptée, Ferdinand et Isabelle