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épousée : elle le souhaitait ardemment ; ses sujets le souhaitaient comme elle ; il vous était capital d’unir à votre monarchie une puissance qui avait pensé lui être fatale : vous ne deviez point perdre l’occasion d’agrandir vos États du côté où la frontière était trop voisine de Paris, centre de votre royaume. Vous coupiez la racine de toutes les guerres, et vous ne laissiez dans l’Europe aucune puissance qui pût faire le contre-poids de la vôtre.

Louis. — Il est vrai, et j’ai vu tout cela aussi clairement que vous pouvez le voir.

Maximilien. — Hé ! qu’est-ce donc qui vous a arrêté ? Étiez-vous ensorcelé ? Y avait-il quelque enchantement qui empêchât, malgré toute votre politique raffinée, de faire ce que le génie le plus borné aurait fait ? Je vous remercie de cette faute ; car elle a fait toute la grandeur de notre maison.

Louis. — L’extrême disproportion d’âge m’empêcha de marier mon fils avec ma cousine : elle avait neuf ou dix ans plus que lui ; mon fils était malsain, bossu, et si petit que c’eût été le perdre.

Maximilien. — Il n’y avait qu’à les marier pour mettre les choses en sûreté ; vous les eussiez tenus séparés jusqu’à ce que le Dauphin fût devenu plus grand et plus robuste ; cependant vous auriez été en possession de tout. Avouez-le de bonne foi : vous ne me dites pas vos véritables raisons, et vous usez encore de dissimulation après votre mort.

Louis. — Oh bien ! puisque vous me pressez tant, et que nous sommes ici hors de toute intrigue, je vais vous découvrir tout mon mystère. Je craignais fort un étranger qui épouserait cette grande héritière, et qui ferait sortir tant de beaux