Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/446

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fallait s’accommoder d’un maître jaloux, impérieux, implacable sur tout ce qui blessait sa jalousie,

Richelieu. — Eh bien ! quand j’aurais été trop jaloux et trop impérieux, c’est un grand défaut, il est vrai ; mais combien avais-je de qualités qui marquent un génie étendu et une âme élevée ! Pour vous, seigneur Jules, vous n’avez montré que de la finesse et de l’avarice. Vous avez bien fait pis aux Français que de répandre leur sang : vous avez corrompu le fond de leurs mœurs ; vous avez rendu la probité gauloise et ridicule. Je n’avais que réprimé l’insolence des grands ; vous avez abattu leur courage, dégradé la noblesse, confondu toutes les conditions, rendu toutes les grâces vénales. Vous craigniez le mérite ; on ne s’insinuait auprès de vous qu’en vous montrant un caractère d’esprit bas, souple et capable de mauvaises intrigues. Vous n’avez même jamais eu la vraie connaissance des hommes ; vous ne pouviez rien croire que le mal, et tout le reste n’était pour vous qu’une belle fable : il ne vous fallait que des esprits fourbes, qui trompassent ceux avec qui vous aviez besoin de négocier, ou des trafiquants qui vous fissent argent de tout. Aussi votre nom demeure avili et odieux ; au contraire, on m’assure que le mien croît tous les jours en gloire dans la nation française.

Mazarin. — Vous aviez les inclinations plus nobles que moi, un peu plus de hauteur et de fierté ; mais vous aviez je ne sais quoi de vain et de faux. Pour moi, j’ai évité cette grandeur de travers, comme une vanité ridicule : toujours des poètes, des orateurs, des comédiens ! Vous étiez vous-même